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style ampoulé appellent la capitale de votre état, miss Effingham, je crois pouvoir prédire que ce ne sera ni l’un ni l’autre de ceux dont vous venez de parler. New-York n’a réellement aucune société, quoiqu’on n’y manque pas de compagnie ; compagnie qui est disciplinée à peu près comme un régiment de milice composé d’hommes tirés de différentes brigades et qui prennent quelquefois le tambour-major pour le colonel.

— Jusqu’à présent, je vous avais cru de New-York, dit M. Sharp.

— Et pourquoi ne le croyez-vous plus ? doit-on fermer les yeux sur des faits aussi clairs que le jour à midi, parce qu’on est né ici ou là ?

— Si je vous ai dit une vérité peu agréable, miss Effingham, accusez-en la franchise de celui qui vous a offensée. Je crois que vous n’êtes pas Mahattanaise ?

— Je suis montagnarde, étant née dans la maison de campagne de mon père.

— Cela m’encourage, car, en ce cas, je ne blesserai ici la piété filiale de personne.

— Pas même la vôtre ?

— Quant à moi, il est reconnu que je suis cosmopolite de fait ; tandis que vous ne l’êtes que par convention. Je doute que je pusse me permettre avec Paris ou avec Londres la même liberté que je vais prendre avec Mahattan ; je compterais peu sur la patience de mes auditeurs. Mademoiselle Viefville me pardonnerait à peine si j’essayais, par exemple, de critiquer la première de ces deux villes.

C’est impossible, monsieur Blunt ! vous ne pourriez le faire. Vous parlez trop bien français pour ne pas aimer Paris.

— J’aime Paris, mademoiselle ; et, ce qui est encore plus, j’aime Londres et même la Nouvelle York ; comme cosmopolite, je réclame au moins ce privilège, quoique je puisse apercevoir des défauts dans chacune de ces grandes villes. Si vous voulez vous rappeler, miss Effingham, que New-York est un bivouac social, un camp formé par des familles au lieu de soldats, vous reconnaîtrez qu’il est impossible qu’il existe dans cette ville une société polie, agréable et bien ordonnée. D’ailleurs, c’est une place commerçante, et nulle ville où l’on s’occupe exclusivement du commerce ne peut se faire une réputation par sa société : je crois qu’une telle anomalie n’a jamais existé. Quelle que soit l’utilité du commerce, peu de personnes soutiendront, je pense, qu’il soit du domaine des Grâces.

— Et Florence autrefois ? dit Ève.

— Florence et son commerce étaient dans des circonstances particulières, et les rapports des choses changent avec les circonstances.