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et une femme de chambre française, nous aurons cité tous ceux qui y restaient. La première intention du capitaine avait été d’y laisser un de ses lieutenants ; mais encouragé par l’abri qu’il avait trouvé pour son bâtiment, par la grande force de ses amarres, et par le peu de prise que pouvaient avoir les vents sur des mâts de si petites dimensions, et lancés sur une coque protégée par le récif, et en même temps ayant une certaine confiance en M. Blunt, qui plusieurs fois pendant le voyage avait montré des connaissances en marine, il avait pris la détermination qui a déjà été rapportée, et avait installé ce dernier comme commandant ad interim du Montauk.

La situation de ceux qui restaient sur le paquebot, après le départ de tout l’équipage, était faite pour inspirer un intérêt grave et solennel. La nuit arriva douce et tranquille, et, quoiqu’il n’y eût pas de lune, ils se promenèrent plusieurs heures sur le pont avec une étrange sensation de jouissance, mêlée à un sentiment d’isolement et d’abandon. M. Effingham et son cousin se retirèrent longtemps avant les autres, qui continuèrent à se promener avec une absence de toute contrainte qu’ils n’avaient pas encore éprouvée depuis qu’ils étaient renfermés dans l’étroit espace d’un bâtiment.

— Notre situation est du moins nouvelle, dit Ève, pour des Parisiens, des Viennois, des Romains, ou quelque autre nom qu’on puisse vouloir nous donner.

— Dites Suisses en ce cas, répondit M. Blunt, car je crois que le cosmopolite lui-même a le droit de choisir sa résidence favorite.

Ève comprit cette allusion, qui lui rappela les semaines qu’ils avaient passées ensemble au milieu des sublimes paysages des Alpes, mais elle ne voulut pas laisser paraître qu’elle en avait gardé le souvenir ; car, quelque ingénue que soit une femme, il est bien rare qu’elle veuille montrer combien elle est sensible à l’objet qui lui touche le cœur de plus près.

— Préférez-vous réellement la Suisse à tous les autres pays que vous connaissez ? demanda M. Sharp. — Je laisse l’Angleterre à part ; car, quoique nous autres Anglais nous lui trouvions tant de charmes, il faut avouer que les étrangers joignent rarement leur voix à la nôtre pour lui donner des éloges sincères. Je crois que la plupart des voyageurs accorderaient la palme à l’Italie.

— Je pense comme vous ; et si j’avais à choisir un pays pour y passer ma vie, je donnerais la préférence à l’Italie. Cependant, je crois qu’en général on aime le changement de résidence comme le changement de saisons ; L’Italie est l’été, et je pense qu’on se lasserait d’un mois de juin perpétuel.