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Il n’y avait aucun danger d’un coup de vent, mais une brise de mer assez forte venait de s’élever, et la surface de l’océan commençait, comme c’est l’ordinaire à être agitée. Changeant donc tous ses plans, le capitaine dirigea toute son attention sur la sûreté des mâts qu’il jugeait d’une si grande importance.

Nous pourrons manger demain, mes amis, dit-il ; mais si nous perdons ces bâtons, nous n’aurons guère de chance de nous en procurer d’autres. Emmenez du monde sur le radeau, monsieur Leach, et faites-en doubler tous les amarrages pendant que je tâcherai de prendre le large. Si la brise devient plus forte, nous en aurons besoin, et nous pourrons même ne pas nous trouver alors aussi bien que nous le voudrions.

M. Leach passa sur le radeau et en assura toutes les parties par de nouveaux liens, car l’agitation des flots avait déjà tellement relâché les premiers, que l’ensemble du radeau courait risque de se séparer. Pendant qu’il y travaillait, les deux canots prirent des aussières et deux ancres de jet, car ils en avaient heureusement trois, une qu’on avait apportée du Montauk, et deux qu’on avait trouvées sur le bâtiment danois, et ils s’avancèrent au large. Dès que l’un des canots eut jeté l’ancre, celle qui assurait la chaloupe fut levée, et l’on toua cette embarcation jusqu’au canot, l’autre avançant plus loin pendant ce temps pour recommencer la même manœuvre. De cette manière, en deux heures de temps, toutes les embarcations et le radeau furent toués au vent et à deux milles de la terre ; mais alors l’eau devint si profonde que le capitaine fut obligé, fort à contre-cœur, de faire cesser ce travail.

— J’aurais voulu pouvoir ainsi nous avancer en mer de trois à quatre lieues, dit-il, car, à cette distance, nous aurions pu tirer parti du vent ; mais à présent, il faut nous borner à éviter la côte autant que nous le pourrons. Mâtez la chaloupe, et nous verrons si elle peut traîner le lourd radeau que nous avons à la remorque.

Pendant que cet ordre s’exécutait, on prit la longue-vue pour voir à quoi les Arabes s’occupaient. À la surprise générale, on n’en aperçut pas un ; l’examen le plus attentif ne put en faire découvrir aucun, ni sur le bâtiment échoué, ni sur le rivage, ni même à l’endroit où ils avaient dressé leurs tentes.

— Ils sont partis, de par Saint George ! s’écria le capitaine Truck, quand il se fut convaincu du fait. Chameaux, tentes et Arabes, tout a disparu. Les coquins ont déjà chargé leurs bêtes de somme et sont allés mettre leur butin en sûreté afin de revenir prendre une autre cargaison avant qu’une autre troupe de vautours rôdant sur le sable