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— Bon, bon, mon’cher ami, prenez deux sabres si bon vous semble. On a beau aimer le combat, on ne peut jamais le livrer précisément comme on le voudrait. Faites avaler aux Arabes le schnaps du pauvre Danois ; et s’ils font le moindre mouvement pour avancer vers nous, donnez-nous l’alarme, afin que nous soyons prêts à les recevoir. Fiez-vous à nous pour l’ouverture de la campagne, comme je me fie à vous pour être un messager de paix.

— Mais comment l’entendez-vous ? comment pourrons-nous vous donner l’alarme assez à temps ?

— Rien n’est plus facile. Tuez seulement le scheik ; ce sera faire d’une pierre deux coups. Vous avez vos pistolets ; faites feu contre les Arabes à babord et à tribord, et soyez sûr que nous vous entendrons.

— Je n’en doute nullement, mais je doute un peu de la prudence d’une telle mesure. Il me semble réellement, monsieur Lundi, que c’est comme vouloir tenter la Providence, et je commence à avoir des scrupules de conscience. J’espère, capitaine, que vous êtes bien sûr qu’il n’y a dans tout cela rien qui soit contraire aux lois de l’Afrique ? Il faut aussi ne pas oublier la morale et la religion. Je déclare que les prémisses de votre argument, m’occupent entièrement l’esprit.

— Vous avez beaucoup trop de conscience pour un diplomate, dit M. Truck après avoir allumé un autre cigare. — Je ne vous dis pas de tirer sur les femmes ; que faut-il de plus à un homme ? Allons, allons, pas un mot de plus, et faites votre devoir de tout cœur ; chacun attend cela de vous, parce que personne ne peut le faire à moitié aussi bien. Si jamais vous revoyez Dodgetown, vous aurez de quoi faire tous les jours un article de journal pendant six mois ; et s’il vous arrive quelque chose de sérieux, comptez sur moi pour rendre justice à votre mémoire.

— Capitaine ! capitaine ! plaisanter ainsi sur l’avenir, c’est presque blasphémer. Il est rare qu’on parle impunément de la mort ; je suis réellement blessé d’entendre parler si légèrement d’un sujet si redoutable. J’irai trouver les Arabes, car je ne vois pas trop comment faire autrement ; mais présentons-nous à eux d’une manière aimable, et avec des présents qui nous assurent d’être bien reçus et de pouvoir revenir ici en toute sûreté.

— M. Lundi emporte la petite caisse de liqueur du Danois, et vous pouvez prendre tout ce qui reste ici, si bon vous semble, à exception du mât de misaine ; car je combattrai pour la possession de ce mât quand tous les lions de l’Afrique viendraient se joindre aux Arabes.