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monde, car je me sens un faible pour les deux bâtons qui restent ici ; et en retournant demain à bord du Montauk, nous aurons à lutter contre une mer debout et un vent contraire. Mais, par saint George, monsieur Lundi, j’ai votre affaire. Voulez-vous M. Dodge pour compagnon ? Il est accoutumé aux comités ; il aime à être employé, et il a besoin de quelque stimulant, après avoir fait le plongeon comme un canard. — Monsieur Leach, prenez le canot avec une couple d’hommes, et amenez-nous ici M. Dodge. Dites-lui qu’il a été unanimement choisi pour remplir un emploi très-honorable, très-lucratif, et — oui, très-populaire.

Comme c’était un ordre, M. Leach y obéit sans scrupule. Il descendit sur le canot, et fut bientôt en route pour se rendre sur la chaloupe. Le capitaine héla l’homme en vigie, et lui demanda ce que faisaient les Arabes Il en reçut une réponse satisfaisante : ils étaient encore occupés à attacher leurs chameaux, et ils dressaient leurs tentes. Comme cela ne ressemblait pas à des préparatifs immédiats d’attaque, il donna ordre à l’homme en vigie de les surveiller, et d’avertir s’ils s’approchaient, et il pensa qu’il pouvait encore avoir le temps de changer de place ses bigues et de se mettre en possession du mât d’artimon. Il mit donc son monde à l’ouvrage à l’instant même.

Comme chacun travaillait comme s’il se fût agi de la vie, ce mât léger, au bout d’un quart d’heure, était suspendu en l’air, et dix minutes ensuite il avait le pied par-dessus le bord, et il fut déposé sur le sable presque au même moment. Il ne fallut que quelques instants de plus pour décapeler la hune et la mettre à l’eau, après quoi tout le monde fut appelé pour déjeuner. L’homme en vigie annonça que les Arabes s’occupaient de la même manière, et étaient à traire leurs chamelles. Cette nouvelle était rassurante et chacun déjeuna tranquillement, charmé de savoir que ceux qu’on avait lieu de redouter passaient le temps d’une manière si pacifique.

Ni les Arabes ni nos marins ne firent pourtant durer ce repas plus longtemps qu’il n’était nécessaire. L’homme en vigie avertit que des détachements de quinze à vingt Arabes, montés sur des dromadaires dressés à la course, allaient et venaient fréquemment, se dirigeant vers l’orient ou en revenant. Quelquefois c’était un homme seul qui partait ou qui arrivait, comme s’ils eussent maintenu une communication avec d’autres corps campés plus loin dans le désert. Toutes ces nouvelles donnèrent de l’inquiétude au capitaine, et il pensa sérieusement qu’il était temps de prendre quelque mesure décisive pour amener l’alaire à sa fin. Cependant, comme le temps qu’on