Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui un commandant inappréciable pour tous ceux qui étaient sous ses ordres.

— Je ne sache pas, Messieurs, dit-il en s’adressant à ses passagers et à ses deux lieutenants, que Vattel ait prescrit aucune règle pour le cas dans lequel nous nous trouvons. Il est incontestable que, dans un sens, ces Arabes sont les propriétaires légitimes de ce pays ; mais ce pays est un désert, et un désert, de même qu’une mer, est, pour le moment, une propriété commune à tous ceux qui s’y trouvent. Il n’existe probablement en Afrique aucune autre loi sur les naufrages que celle du plus fort. Nous avons en outre été poussés sur cette côte par un mauvais temps, et c’est une catégorie sur laquelle Vattel s’est expliqué. Nous avons droit à l’hospitalité de ces Arabes, et, s’ils ne nous l’accordent pas de bon gré, de par le diable, Messieurs, je me sens disposé à en prendre autant que j’en aurai besoin. Monsieur Lundi, je serais charmé de savoir ce que vous pensez sur ce sujet.

— J’ai la plus grande confiance en vos connaissances, capitaine, et je suis également prêt à la paix et à la guerre, quoique ma profession soit pacifique. Mais, si vous me permettez d’exprimer mon opinion, je voudrais d’abord essayer d’entrer en négociation, s’il est possible, après quoi je me déciderais à la guerre.

— Je pense précisément comme vous, Monsieur ; mais comment négocier avec des gens à qui nous ne pouvons faire entendre un seul mot de ce que nous disons ? S’ils étaient versés dans la science des signes, nous pourrions faire quelque chose d’eux ; mais j’ai de bonnes raisons pour être sûr qu’ils sont, à cet égard, aussi stupides que des oisons. Nous nous trouverons dans une catégorie dès le premier protocole, comme on dit.

M. Lundi pensait qu’il y avait un langage que tout le monde pouvait comprendre, et il était disposé à l’employer. En examinant toutes les parties du bâtiment échoué, il avait découvert une petite caisse contenant des bouteilles de liqueur et un baril de genièvre de Hollande, et il pensait qu’une pareille offrande pouvait mettre les Arabes de bonne humeur.

— J’ai connu des gens, ajouta-t-il en expliquant où il avait fait cette trouvaille, qui, en matière de commerce, étaient obstinés comme des mulets quand il savaient le gosier sec, mais qui devenaient souples et traitables quand ils avaient bu leur bouteille. Je pense qu’en présentant cette offrande aux Arabes, nous les trouverons mieux disposés à notre égard, quand ils en auront pris suffisamment. Dans le cas contraire, j’avoue que, quant à moi, j’aurais