Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Lundi le dénoncèrent à haute voix, comme abandonnant d’urne manière si scandaleuse ceux qui étaient à bord du bâtiment danois ; mais ils ne produisirent aucun effet. Malheureusement pour le succès de l’entreprise de M. Dodge, ses talents pour conduire un canot ne répondaient pas au désir qu’il avait de se mettre plus en sureté ; et, quand il fut sur la barre, voyant qu’il ne pouvait ni faire avancer le sien en mer, ni même le manœuvrer, il sauta dans l’eau, pour gagner la chaloupe à la nage. Comme il était très-bon nageur, il y arriva sans accident, maudissant du fond du cœur les voyages, le désert, les Arabes, et généralement tout le genre humain, et désirant bien vivement se retrouver à Dodgetown ou Dodgeopolis au milieu de ses voisins. Le canot dériva naturellement sur le sable, et deux hommes de l’équipage du Montauk en prirent soin.

Dès que le capitaine Truck fut remonté sur le pont du bâtiment danois, il distribua les armes à son équipage. Sa politique était évidemment de ne pas commencer les hostilités, car il n’avait rien à y gagner ; mais il était bien déterminé à ne pas se laisser prendre vivant, tant qu’il aurait la moindre possibilité de l’éviter. L’homme en vigie faisait connaître tous les mouvements des Arabes. Il annonça bientôt qu’ils venaient de faire halte à une portée de pistolet du rivage ; qu’ils attachaient leurs chameaux et leurs chevaux, et que ce qu’il avait dit de leur nombre paraissait être assez exact.

Cependant le capitaine Truck était loin d’être satisfait de sa position. Le rivage était plus haut que le pont du bâtiment, et il en était si près, qu’en supposant, ce qui n’était pas, que les murailles du pont eussent été assez épaisses pour garantir des balles, leur peu d’élévation aurait rendu cet avantage inutile. D’une autre part, la position du bâtiment, penché un peu d’un côté et ayant le cap tourné vers la terre, l’exposait à voir son pont balayé par un feu d’enfilade ; et un ennemi adroit, en se tenant à couvert sur le rivage, pouvait tirer sur quiconque s’y montrerait, presque sans s’exposer lui-même. La différence de nombre était trop grande pour que le capitaine pût se hasarder sur la plaine ; et, quoique les rochers offrissent un assez bon abri du côté de la terre, ils n’en procuraient aucun du côté du bâtiment. Il n’osait diviser ses forces ; et abandonner le navire, c’eût été permettre aux Arabes de s’en emparer et renoncer aux deux autres mâts, dont il désirait encore se mettre en possession.

On réfléchit vite dans les circonstances difficiles, et, quoique le capitaine Truck fût dans une situation toute nouvelle, ses connaissances pratiques et son sang-froid imperturbable faisaient de