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fausses alarmes, sans la froide indifférence des flegmatiques marins qui étaient tour à tour en vigie, et qui connaissaient trop bien la nécessité du sommeil pour souffrir que celui de leurs camarades fût troublé par les appréhensions nerveuses d’un homme pour qui sa conscience était une source perpétuelle de craintes. La nuit se passa donc sans aucune alarme jusqu’au moment où, conformément aux ordres donnés par le capitaine Truck, les hommes en vigie sur le bâtiment échoué éveillèrent ainsi que ses deux lieutenants.

C’était l’instant où le premier rayon de l’aurore se glisse dans l’atmosphère et commence à combattre obscurité. — On n’était plus éclairé par les étoiles, quoique plusieurs fussent encore visibles, et le croissant de la lune qui venait de paraître ne répandait aucune lumière, et c’était au premier rayon de l’aurore qu’on était redevable d’entrevoir les objets, quoique encore confusément ; mais chaque moment en rendait les contours plus distincts.

Quand le capitaine Truck parut sur le pont, son premier regard tomba sur la mer ; car si la tranquillité en eût été sérieusement troublée, c’eut été le coup de mort pour toutes ses espérances. Heureusement la nuit n’avait apporté aucun changement à cet égard.

— Les vents semblent s’être mis hors d’haleine pendant le dernier ouragan, monsieur Leach, dit-il, et nous remorquerons nos mâts et nos vergues jusqu’au Montauk aussi tranquillement que si c’étaient des bâtons flottants sur l’eau d’un étang. Les lames de fond ont même diminué, et les brisants sur la barre ne produisent pas plus d’écume qu’un baquet de blanchisseuse. Appelez tout le monde sur le pont, Monsieur, et qu’on travaille à ces mâts avant le déjeuner, sans quoi nous pourrons encore avoir à faire des grillades d’Arabes.

M. Leach héla les embarcations, et ordonna qu’on ramenât tout le monde à bord. Il frappa alors, suivant l’usage, sur les planches du pont, et appela en haut tous ceux qui étaient restés sur le bâtiment échoué. Au bout d’une minute, les matelots arrivèrent, bâillant et étendant les bras, car aucun d’eux n’avait ôté ses vêtements, et la plupart lançaient à droite et à gauche leurs plaisanteries nautiques avec la même indifférence que s’ils eussent été à l’ancre dans le port. Après qu’on leur eut laissé quelques minutes pour se secouer et humer l’air, comme le dit M. Leach, tout l’équipage se trouva réuni sur le pont, à› l’exception de deux hommes laissés sur la chaloupe, et de M. Dodge, qui s’était chargé de faire sentinelle sur le canot, qui, comme à l’ordinaire, était près des rochers pour recevoir les objets qu’on pourrait avoir à transporter dans la chaloupe.

— Faites monter quelqu’un sur le mât de misaine, monsieur Leach,