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côté de l’ouverture, interrompit le discours du capitaine. Il vit dans les buissons un homme directement en face du bâton de clin-foc ; il était enveloppé d’une espèce de manteau, et le long mousquet qu’il portait sous le bras se distinguait à peine. Cet Arabe, car ce ne pouvait qu’en être un, considérait évidemment le bâtiment échoué, et, pour le mieux voir, il s’avança hardiment au milieu de l’ouverture. Trompe par ce silence profond qui régnait, il s’approcha sans précaution de l’endroit où les deux Américains étaient en embuscade, uniquement occupé de son examen. Quelques pas de plus le mirent à la portée du capitaine Truck, qui lui asséna un vigoureux coup de poing entre les deux yeux ; l’Arabe tomba comme un bœuf frappé par l’assommoir du boucher, et avant qu’il eût repris l’usage de ses sens il fut solidement garrotté, et le capitaine le fit rouler sans cérémonie le long de la rampe jusque sur le sable, après l’avoir bâillonné, le mousquet restant en la possession du vainqueur.

— Ce drôle est dans une catégorie, dit le capitaine à voix basse, il reste à voir s’il n’y en a pas un autre.

Une longue recherche n’obtint aucun succès, et le capitaine résolut de faire descendre le chameau sur le sable, afin qu’aucun Arabe errant dans le désert ne pût l’apercevoir.

— Si nous avons les mâts de bonne heure, dit-il, ces pirates de terre n’auront en vue aucun phare pour diriger leur course ; et dans une contrée ou un grain de sable ressemble tellement à un autre, il peut se passer une semaine avant qu’ils retrouvent le bâtiment.

Ils s’avancèrent tous deux vers le chameau avec moins de précaution qu’ils n’en avaient pris jusqu’alors, le succès qu’ils avaient obtenu leur donnant de la confiance et leur inspirant une nouvelle ardeur. Ils étaient persuadés que leur prisonnier était un voyageur solitaire, ou qu’il avait été envoyé en reconnaissance par une troupe qui attendait son retour, et qui n’arriverait que le lendemain.

— Il faut que nous nous mettions à l’ouvrage avant que le soleil se lève, monsieur Leach, dit le capitaine d’une voix moins basse qu’il ne l’avait fait jusqu’alors. Ils continuèrent à marcher vers le chameau, qui secouait la tête, reniflait l’air, et enfin poussa un cri. À l’instant même un Arabe, qui dormait près de lui sur le sable, se leva, et monta en un clin d’œil sur son dos, et avant que nos deux marins surpris eussent eu le temps de décider ce qu’ils devaient faire, l’animal, qui était un dromadaire dressé à la course, était hors de vue dans l’obscurité. Le capitaine Truck avait couché en joue l’Arabe, mais il ne fit pas feu.

— Nous n’avons pas le droit de tuer ce drôle, dit-il, tout notre