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prit du capitaine, le lecteur s’imaginera facilement qu’il n’était pas très à son aise. Cependant, il était de sang froid ; et comme il était résolu à faire sa retraite, les armes à la main, même contre une armée d’Arabes, il resta dans sa position avec une détermination qui aurait fait honneur à un tigre. L’objet qu’il voyait sur la plaine remua de nouveau, et des nuages qui étaient en arrière étant venus à s’entrouvrir, il distingua clairement la tête et le cou d’un dromadaire, mais l’examen le plus attentif ne put lui faire découvrir un homme sur le dos de cet animal. Il passa un quart d’heure dans la même position ; et les seuls sons qu’il entendit furent les soupirs de l’air de la nuit et le bruit sourd et constant de l’eau qui battait le rivage. Enfin, il descendit sur le pont où M. Leach l’attendait avec beaucoup d’impatience. Le capitaine savait quelle était l’importance de la découverte qu’il venait de faire ; mais ayant un caractère calme et réfléchi, il ne s’en était pas exagéré le danger.

— Les Arabes sont sur la côte, lui dit-il à demi-voix, mais je ne crois pas qu’il y en ait plus de deux, ou trois tout au plus, sans doute des espions ou des vedettes. Si nous pouvions nous en emparer, nous retarderions probablement de quelques heures l’arrivée de la troupe, et c’est tout ce qu’il nous faut. Qu’ils emportent ensuite le sel et tout le fardage du pauvre danois, j’y consens. — Leach, êtes-vous homme à me seconder dans cette affaire ?

— Pourquoi cette question, commandant ? Vous ai-je jamais manqué au besoin ?

— Jamais, Leach, jamais. Donnez-moi la main, et que ce soit entre nous à la vie, à la mort.

Ils se serrèrent la main, et surent tous deux qu’ils recevaient une assurance sur laquelle ils pouvaient compter.

— Éveillerai-je l’équipage, commandant ?

— Pas un seul homme. Chaque heure de sommeil qu’ils auront nous vaudra un de ces mâts. Ces trois bâtons sont la fondation de notre œuvre ; et un seul d’entre eux nous sera plus utile en ce moment que ne pourrirait l’être une flotte dans d’autres circonstances. Prenez vos armes et partons ; mais d’abord avertissons le second lieutenant de ce que nous allons faire.

Cet officier était endormi sur le pont ; car il était tellement fatigué du travail pénible auquel il s’était livré toute l’après-midi, qu’un peu de repos était pour lui le plus grand bien. L’intention du capitaine avait été de l’envoyer se coucher à bord de la chaloupe ; mais, le voyant accablé de fatigue, il lui avait permis de rester sur le bâtiment. Il avait eu la même indulgence pour l’homme en vigie ; mais, en ce