Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

endormis que s’ils eussent été dans leurs hamacs à bord du Montauk. Il n’en fut pas de même du capitaine Truck. Il se promena sur le pont du bâtiment danois avec M. Leach plus d’une heure après qu’un profond silence y régnait, et même quelque temps après que M. Lundi, ayant fini une bouteille de vin dont il avait eu soin de se munir avant de quitter le paquebot, se fut couché sur quelques vieilles voiles dans l’entrepont. Toutes les étoiles brillaient au firmament, mais la lune ne devait se montrer que peu de temps avant l’aurore. Le vent venait de terre par bouffées soudaines ; il était brûlant, mais si léger, qu’au peu de bruit qu’il faisait en passant on aurait cru entendre les soupirs du désert.

— Il est heureux, dit le capitaine, continuant la conversation qu’il avait avec M. Leach à voix basse, parce qu’ils sentaient tous deux que leur situation n’était pas tout à fait sûre, — il est heureux, monsieur Leach, que nous ayons fait porter l’ancre d’affourche sur le banc situé derrière le Montauk, sans quoi il frotterait bientôt son cuivre contre les angles de ces rochers. Le vent est faible, mais sous toutes ses voiles le Montauk serait bientôt loin de la côte, si tout était prêt.

— Oui, commandant, oui, si tout était prêt, répondit M. Leach, qui savait combien il y avait encore à travailler avant que cet heureux moment pût arriver.

— Si tout était prêt ! j’espère bien que nous serons en état de faire sauter ces trois quilles hors de ce bâtiment demain avant le déjeuner ; deux heures nous suffiront pour faire le radeau, et six à sept autres nous reconduiront sur notre bord.

— Cela peut être, commandant, si tout va bien.

— Bien ou mal, il faut que cela soit. Nous ne sommes pas dans une situation à jouer à la courte-paille.

— J’espère que cela pourra se faire, commandant.

— Monsieur Leach !

— Capitaine Truck !

— Nous sommes dans une catégorie du diable, Monsieur, s’il faut dire la vérité.

— C’est un mot que je ne connais pas beaucoup ; mais il est certain que nous sommes placés ici d’une manière désagréable, si c’est là ce que vous voulez dire.

Il s’ensuivit un assez long intervalle de silence ; et pendant ce temps les deux marins, dont l’un était vieux et l’autre jeune, continuèrent à se promener sur le pont.

— Monsieur Leach !