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c’est la manière dont ses larges pattes s’accrochent au fond. La côte était à moins d’un mille, et pendant le reflux on vit paraître dans tout le bassin de nombreuses pointes de sable ; il se trouvait pourtant des passes entre elles, et il aurait été facile à un homme qui en aurait bien connu les sinuosités, d’y conduire un bâtiment pendant plusieurs lieues, sans retourner à la passe d’entrée, ces canaux formant une sorte de réseau très-compliqué dont le Montauk était le point central.

Quand le capitaine Truck eut étudié sa situation dans tous ses détails et avec sang-froid, il s’occupa sérieusement des mesures nécessaires pour mettre son bâtiment en sûreté. Le cutter et le canot furent amenés sous le bossoir ; et l’ancre d’affourche fut mise sous un esparre placé en travers sur ces deux embarcations. On la porta sur un banc situé sur l’arrière du bâtiment ; avec des bigues, elle fut élevée sur le sommet du banc, et la patte en fut enfoncée dans un sable dur jusqu’à la verge. On sortit ensuite la chaîne du bâtiment au moyen d’un grelin à l’extrémité duquel on avait frappé une caliorne sur laquelle halaient les hommes placés sur le banc. La chaîne fut étalinguée sur l’ancre, et elle fut ensuite raidie du bord. Le bâtiment se trouva ainsi tenu par l’arrière, et à l’abri d’un changement de vent qui l’aurait jeté sur le récif. Comme aucune lame ne pouvait venir de ce côté, on jugea que l’ancre et la chaîne suffiraient pour le maintenir. Dès que les deux embarcations furent disponibles, et avant même que la chaîne eût été étalinguée, deux ancres à jet furent portées sur le récif, et placées au milieu des rochers de manière à ce que les pattes et les jas des ancres fussent retenus par les parties saillantes des rochers. On étalingua de légères chaînes sur ces ancres, et dès qu’elles eurent été raidies, du bord, le capitaine Truck déclara que son bâtiment était alors en état de soutenir sans danger le plus fort coup de vent. Le capitaine Truck n’était pas tombé dans l’erreur commune de supposer qu’il aurait augmenté la force de ses amarres en passant simplement la chaîne dans l’organeau des ancres ; il était amarré au moyen de deux ancres de bossoir, il avait deux chaînes sur chacune de ses ancres à jet, et il avait eu la précaution d’amarrer chacun des bouts séparément sur l’ancre, en conservant les deux autres bouts à bord.

La souveraineté exercée à bord d’un bâtiment est si absolue, que personne n’avait eu la présomption de faire une seule question au capitaine sur les motifs qu’il avait eus pour prendre toutes ces précautions extraordinaires ; mais l’idée générale était qu’il avait dessein de rester ou ils étaient jusqu’à ce que le vent devînt favorable, ou