Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ensuite toutes les voiles fouettèrent les mâts. Le vent avait passé comme un oiseau, et une ligne noire au large annonçait l’arrivée de la brise de mer. Les préparatifs rendus nécessaires par ce changement de temps avaient occasionné le bruit qui avait interrompu la conversation de la famille Effingham.

Ce nouveau vent n’apporta guère avec lui que le danger de pousser le bâtiment vers la côte. La brise était légère, et ne lui faisait faire, dans l’état où il se trouvait, qu’un mille et demi par heure, en suivant une ligne presque parallèle à la côte. Le capitaine Truck vit d’un coup d’œil qu’il serait obligé de jeter l’ancre. Cependant, avant de prendre cette mesure, il eut une longue consultation avec ses officiers, et il fit mettre le canot à la mer.

On sonda, et l’on trouva un assez bon fond, quoique ce fût un sable dur, ce qui n’est pas le meilleur mouillage. — Une forte mer ferait chasser le bâtiment sur son ancre, dit le capitaine Truck, si le vent prenait de la force ; et cette ligne, de rochers noirs que nous avons en arrière ferait des copeaux de la Pensylvanie en une heure, si ce grand bâtiment venait en contact avec eux. Il descendit dans le canot, et se fit conduire le long du récif pour examiner une passe que M. Leach y avait remarquée avant d’avoir mis le cap au nord. S’il trouvait une entrée en cet endroit, peut-être le Montauk pourrait-il avancer au delà du récif, et le capitaine pourrait exécuter un projet favori auquel il attachait alors la plus grande importance. Au bout d’un mille le canot arriva à la passe, où M. Truck fit les observations suivantes. La disposition générale de la côte qu’il avait en vue était une légère courbure, dans laquelle le Montauk avait tellement dérivé qu’il se trouvait précisément en ligne avec les deux promontoires. Il y avait donc peu d’espoir de forcer un bâtiment délabré à reprendre le large, en dépit du vent, de la mer et du courant. Dans l’étendue d’une lieue par le travers du paquebot, la côte était rocailleuse, quoique basse, les rochers s’éloignant du rivage en certains endroits jusqu’à un mille, et partout jusqu’à un demi mille au moins. Cette chaîne était irrégulière, mais elle avait en général l’apparence d’un récif, et son gisement était marqué par des brisants et par les cimes noires des rochers qui se montraient çà et là au-dessus de l’eau. La passe était étroite, tortueuse, et tellement environnée de rochers, qu’il était même douteux qu’elle pût offrir un passage, quoique le calme de l’eau l’eût fait espérer à M. Leach.

Dès que le capitaine fut à l’entrée du passage, les apparences l’encouragèrent tellement, qu’il fit au Montauk le signal convenu de virer et de mettre le cap au sud. Ce n’était nullement le moyen de