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doutez guère, cousin John. Vous y dites qu’il est temps de mettre fin à vos courses vagabondes ; de vous établir à poste fixe ; de ne plus vous séparer de nous, et que votre intention, prodigue que vous êtes, est de faire de votre cousine Ève la maîtresse future de votre fortune. Il faut que vous conveniez de tout cela, ou je n’accorderai de ma vie aucune confiances tout ce qu’un homme pourra me dire.

John Effingham ne répondit rien, mais le père exprima fortement son indignation qu’un homme ayant la moindre prétention à être admis dans la bonne compagnie, pût se rendre coupable d’une telle conduite.

— Nous ne pouvons guère à présent le recevoir dans la nôtre, John, ajouta-t-il ; et je regarde presque comme une affaire de conscience de lui refuser la porte de notre appartement.

— Si vous avez de si strictes idées des convenances, Édouard, le parti le plus sage est de retourner d’où vous venez ; car, dans le pays où vous allez, vous trouverez une foule de gens semblables à lui.

— Vous ne me persuaderez pas que je connaisse si peu mon pays natal. Une conduite comme la sienne déshonorerait un homme en Amérique comme partout ailleurs.

— Elle l’aurait déshonoré autrefois, mais cela n’arrive plus. Le pâle-mêle qui y règne à présent a réduit les hommes d’honneur à une triste minorité, et M. Dodge lui-même vous dira que la majorité doit gouverner. S’il publiait ma lettre, une grande partie de ses lecteurs s’imagineraient qu’il ne fait qu’user de la liberté de la presse.

— Que le ciel nous protège ! vous avez rêvé en pays étranger, Édouard, pendant que votre pays, pour tout ce qui est honnête et respectable, a rétrogradé d’un siècle en une douzaine d’années.

— Comme un tel langage était habituel à John Effingham, ni le père ni la fille n’y firent beaucoup d’attention : cependant M. Effingham déclara d’un ton plus décidé qu’auparavant, qu’il était résolu de faire cesser entièrement le peu de relations qui avaient existé entre sa famille et le coupable depuis qu’ils étaient à bord.

— Pensez-y une seconde fois, mon père, dit Ève ; un tel homme n’est pas même digne de votre ressentiment. Il est trop au-dessous de vous par ses principes, son éducation, et par le rang qu’il occupe dans le monde, pour que vous vous occupiez de lui. D’ailleurs si nous voulions soulever le voile de cette mascarade au milieu de laquelle le hasard nous a jetés, nous pourrions avoir nos scrupules relativement à d’autres aussi bien qu’à l’égard de ce loup couvert d’une peau de mouton.

— Dites plutôt de cet âne dont on a coupé le poil pour le peindre