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souvenez-vous, cousin John, de la lettre que vous avez écrite à mon père avant notre départ de Londres ? Vous l’avez écrite, parce que vous ne vouliez pas confier à votre bouche le soin d’exprimer les sentiments de votre bon cœur. Je la relis tous les jours ; non pas à cause des promesses qu’elle contient, vous m’en croirez aisément, mais parce qu’elle prouve votre affection pour une jeune fille qui ne mérite pas la moitié de ce que vous sentez et de ce que vous faites pour elle.

— Bah ! bah !

— Soit, bah, bah. J’avais relu cette lettre ce matin même, et j’avais eu la négligence de la laisser sur ma table. Eh bien ! cette lettre, M. Dodge, dans son désir infatigable de mettre quelque chose de nouveau sous les yeux du public, et pour remplir les devoirs de sa profession, l’a lue pendant notre absence, et se trompant sur le sens de quelques phrases, comme cela arrive quelquefois à ceux qui ne songent qu’à faire circuler des nouvelles, il en a conclu que je dois être une heureuse femme à notre arrivée en Amérique, en échangeant le nom de miss Ève Effingham contre celui de mistress John Effingham.

— Impossible ! nul homme ne peut être si fou ou si méchant.

— Je croirais en effet, mon enfant, ajouta le père plus indulgent, qu’on a fait injure à M. Dodge. Nul homme tant soit peu élevé au-dessus des dernières classes de la société ne pourrait même songer un instant à se dégrader par une conduite semblable à celle dont vous parlez.

— Si vous n’avez pas d’autre objection à faire contre cette histoire, je suis prêt à faire serment qu’elle est vraie. Mais je crois que le capitaine Truck a inoculé à Ève l’esprit de mystification, et qu’elle est déterminée à se faire une réputation en ce genre en commençant par frapper un coup hardi. Elle ne manque pas d’esprit, et avec le temps elle pourra s’élever jusqu’au persiflage.

— Je vous remercie du compliment, cousin John ; mais je suis obligée de vous déclarer que je ne le mérite pas, car je n’ai jamais parlé plus sérieusement. Nanny, qui est la vérité même, affirme qu’elle l’a vu de ses propres yeux lire cette lettre ; et elle a appris des deux lieutenants du capitaine que, depuis ce temps, il a pris tout le souci possible de disséminer dans tout équipage la nouvelle de ma bonne fortune. Pour croire qu’un tel homme ait pu interpréter ainsi votre lettre, vous n’avez besoin que de vous en rappeler les termes.

— Il n’y a rien dans ma lettre qui puisse justifier une si sotte idée.

— Un furet actif peut faire des découvertes dont vous ne vous