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tous ses compagnons, à l’exception de M. Lundi, qui fut laissé en sentinelle sur le canot, gravissait les rochers pour arriver au bâtiment échoué. Dès qu’il y fut, il monta rapidement jusqu’aux traversins de la grande hune, et de là il put examiner toute la plaine, qui était cachée aux yeux de ceux qui se trouvaient plus bas. Il fit alors le signal de venir à ceux qui étaient sur le cutter.

— Nous y hasarderons-nous ? demanda Paul Blunt, d’un ton qui semblait solliciter une réponse affirmative.

— Qu’en dites-vous, mon père ?

— J’espère que nous n’arriverons pas trop tard pour sauver quelque chrétien dans ce moment de détresse, ma chère enfant. Prenez le gouvernail, monsieur Blunt ; et au nom du ciel et par amour pour l’humanité, avançons.

Le cutter se mit en route, Paul Blunt restant debout pour le gouverner, et le désir qu’il avait d’arriver modérant les craintes qu’il éprouvait pour la sûreté de la partie de son fret qui lui était la plus précieuse. Il y eut un instant ou les deux dames tremblèrent ; car le léger cutter semblait sur le point de s’élancer sur le rivage comme l’écume de la mer qui passait devant lui ; mais la main ferme qui tenait le gouvernail détourna le danger, et un moment après ils étaient à côté du canot. Les dames débarquèrent sans beaucoup de difficulté, et montèrent sur le haut des rochers.

— Nous voici donc en Afrique ! s’écria mademoiselle Viefville, avec cette sensation qu’éprouvent tous ceux qui se trouvent dans une situation extraordinairement nouvelles.

— Le bâtiment ! le bâtiment naufragé ! murmura Èvef ; nous pouvons encore espérer de sauver quelque malheureux.

Ils se rendirent à la hâte près du bâtiment échoué, laissant sur le cutter deux domestiques, dont l’un fut chargé de prendre la place de M. Lundi.

Rien ne pouvait faire plus d’impression que de se trouver devant un bâtiment échoué sur les sables d’Afrique, scène dans laquelle la désolation d’un navire abandonné paraissait encore plus cruelle au milieu de la désolation d’un désert. La position du bâtiment, qui était presque droit, la quille enfoncée dans le sable, fit que les dames purent y monter plus facilement, et se promener ensuite sur les ponts : on avait même déjà fabriqué à la hâte une espère d’escalier grossier, pour pouvoir y arriver plus aisément. Ici la scène redoubla l’agitation des deux dames, car elle offrait l’image d’une demeure chérie qu’il avait fallu évacuer à la hâte.

Mais avant qu’Ève et mademoiselle Viefville fussent sur le pont,