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— Vous pouvez en désespérer, cousine Ève, dit John Effingham, dont les traits exprimaient encore plus de mépris que de coutume.

Les dames échangèrent quelques explications à demi-voix, et M. Dodge, qui s’imaginait qu’il ne fallait que la ferme résolution de paraître parfait pour l’être réellement, continua ses commentaires avec l’air content de lui-même d’un critique de province.

— De Notter-Dam, je me rendis en cabrioly au grand cimetière Père la Chaise, ainsi nommé parce que sa distance de la capitale exige que l’on prenne des chaises pour les convois.

— Quoi ? comment ? que signifie cela ? interrompit M. Truck, est-on obligé de se faire convoyer dans les rues de Paris ?

— M. Dodge veut parler du convoi qui suit un enterrement, dit mademoiselle Viefville ; mais il a prononcé ce mot à l’anglaise, ce qui a causé votre erreur.

— M. Dodge est un profond républicain, et il désire que les mots soient employés et les places données à tour de rôle. Il faut que je vous accuse d’inconstance, mon cher ami, y alla-t-il de ma vie. Vous ne prononcez certainement pas toujours vos mots de la même manière. Quand j’ai eu l’honneur de vous conduire en Europe il y a six mois, vous prononciez certains mots tout différemment qu’aujourd’hui, et j’avais alors la satisfaction de vous entendre.

— On ne voyage que pour se perfectionner, commandant, et je ne doute nullement que la connaissance que j’ai acquise des langues étrangères ne se soit considérablement augmentée par mon séjour dans les pays où on les parle.

Ici, la lecture du journal fut interrompue par une longue digression sur les langues, discussion à laquelle M. Dodge, M. Lundi, sir George Templemore et le capitaine Truck prirent la plus grande part, et pendant laquelle le bol de punch fut rempli deux fois. Nous ne rapporterons pas en entier cette partie de la conversation, qui consista principalement en lieux communs, et nous nous bornerons à citer quelques remarques, par forme d’échantillons.

— Vous me permettrez de dire, répondit M. Lundi à une des réclamations perpétuelles de M. Dodge pour faire reconnaître la supériorité de l’Amérique en toute chose, qu’il me semble fort extraordinaire que vous prétendiez qu’il faille qu’un Anglais quitte son pays pour entendre parler purement sa langue ; et moi qui connais le vôtre, je vous déclare que nulle part on ne parle un si bon anglais que dans le comté de Lancastre. Je bois à votre santé, sir George.

— Cela est plus patriotique que juste, monsieur Lundi. Tout le monde convient que les Américains des états de l’Est parlent un