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bien élevés pour avoir l’air de s’en apercevoir, ou ils s’imaginaient l’être, ce qui revenait au même.

Après avoir fait ainsi parade de leurs grâces, ils descendirent ensemble dans la grande chambre, non sans s’arrêter devant la fenêtre derrière laquelle était M Effingham avec sa famille ; et, au grand scandale de Nanny, Ève fut le principal objet de leur admiration presque déclarée.

— On est charmé de trouver une telle ressource contre l’ennui d’un voyage de mer, dit sir George en descendant. Vous y êtes sans doute habitué, monsieur Lundi, mais, pour moi, c’est le voyage n° 1, c’est-à-dire, en exceptant la Manche et les mers qu’on rencontre en faisant le tour d’usage sur le continent.

— Oh ! quant à moi, sir George, je vais et reviens aussi régulièrement que les équinoxes, ce qui, comme vous le savez, signifie une fois par an. Je nomme aussi mes voyages mes équinoxes, car je me fais une règle invariable de passer toujours dans mon lit douze heures sur vingt-quatre.

Ces mots furent les derniers qu’on put entendre de leur conversation, et peut-être n’en aurait-on pas entendu autant, si M. Lundi n’avait cru se donner un air d’importance en s’habituant à parler une octave plus haut que qui que ce fût. Quoique le son de leurs voix n’arrivât plus sur le pont, on ne tarda pourtant pas à les entendre s’agiter et crier dans la grande chambre, M. George ayant appelé à plusieurs reprises le maître-d’hôtel du bâtiment, sous le nom de Saunders, tandis que M. Lundi faisait de semblables appels à l’aide du maître-d’hôtel auquel il donnait le nom très-convenable de Toast.

— Quant à celui-ci, dit John Effingham, parlant d’un troisième passager, je crois que nous pouvons du moins le réclamer pour compatriote : c’est ce que j’ai entendu appeler un Américain sous un masque européen.

— C’est un rôle conçu avec plus d’ambition qu’il n’est facile à jouer, dit Ève, qui eut besoin d’appeler à son secours toute sa réserve pour ne pas rire aux éclats. Si j’osais hasarder une conjecture, je dirais que c’est un homme qui a fait une collection de costumes, et qui s’est imaginé d’offrir sur sa personne un échantillon de toutes ses richesses. — Mademoiselle Viefville, vous qui vous connaissez si bien en costumes, pourriez-vous nous dire quels sont les pays qui ont contribué à l’ensemble de sa toilette ?

— Je pourrais citer la boutique de Berlin dans laquelle le bonnet de voyage a été acheté, répondit la gouvernante en souriant ; on ne