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Le capitaine le regarda en face, tandis qu’il parlait, et quand il eut fini il fit un mouvement de tête en signe d’approbation.

— Je m’aperçois que vous avez déjà voyagé dans ces parages, monsieur Blunt. Du moment que je vous ai vu mettre le pied sur les taquets en sortant de votre barque, je vous ai soupçonné d’être un camarade. Vous n’êtes pas arrivé sur la pointe des pieds, comme une paysanne qui valse, mais vous en avez appuyé fermement la plante sur le bois, en allongeant le bras en homme qui sait ce qu’il doit faire de ses muscles. La remarque que vous venez de faire prouve aussi que vous savez ou doit être un bâtiment pour être à la place qui lui convient. Quant aux vents alisés, ils sont aussi incertains que l’esprit d’une veuve pour qui se présentent deux ou trois bons partis à la fois. Je les ai tantôt rencontrés aussi haut que le trentième degré, et tantôt aussi bas que le vingt-troisième, et même encore plus bas. Mon opinion, Messieurs, et je saisis avec plaisir cette occasion de la faire connaître publiquement, c’est que nous sommes sur le bord des vents alisés, au milieu de ces vents légers et variables qui règnent toujours dans leur voisinage, comme on trouve des tournants le long des plus forts courants de l’Océan. Si nous pouvons faire sortir le Montauk de cette région de fluctuation, c’est l’expression, je crois, monsieur Dodge, tout ira assez bien ; car un vent des nord-est, ou même d’est, nous conduirait bientôt aux îles du Cap-Vert, même sous les haillons de voiles que nous portons. Nous sommes certainement très-près de la côte, beaucoup plus près que je ne le voudrais ; mais quand nous aurons une bonne brise, cela n’en vaudra que mieux pour nous, parce qu’elle nous trouvera au vent.

— Mais, capitaine, dit Ève, si ces vents alisés souff lent toujours dans la même direction, comment se fait-il que l’ouragan que nous venons d’essuyer nous ait poussés dans la partie de l’Océan ou ils règnent ?

— Toujours signifie quelquefois, ma chère miss Effingham. Quoique que des vents légers règnent souvent dans le voisinage des vents alisés, on y rencontre aussi des ouragans, et des ouragans furieux, comme nous en avons eu la preuve. Je crois qu’à présent le temps va se fixer, et que nous avons une chance presque certaine d’arriver en sûreté dans quelque port du midi des États-Unis, quoique nous ne soyons pas aussi sûrs d’y arriver promptement. J’espère qu’avant vingt-quatre heures nous verrons le sable blanchir nos ponts.

— Est-ce un phénomène qu’on voit ici ? demanda M. Effingham.

— Très-souvent, Monsieur, quand un bâtiment est près de la côte et que le vent est constant. Pour dire la vérité, le pays que nous