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une ou deux mercuriales à Saunders, avec la même insouciance que s’il eût cru fermement à l’infaillibilité d’un journal et qu’il eût eu particulièrement un profond respect pour l’éditeur du Furet Actif.

Ce qu’il avait dit du bâtiment qu’on avait en vue se trouva vrai. Vers neuf heures du soir, il arriva à portée d’être hélé, et mit son grand hunier sur le mât. C’était un bâtiment de transport américain, revenant sur son lest de l’escadre qui était dans la Méditerranée, et retournant de Gibraltar à New-York. Il avait rencontré l’ouragan à l’ouest de Madère, et après y avoir résisté le plus longtemps possible, il avait aussi été obligé de fuir vent arrière. D’après le rapport des officiers, l’Écume avait été portée beaucoup plus près de la côte, et ils croyaient qu’elle avait fait naufrage. Ils n’avaient échappé eux-mêmes à ce danger que parce que la force de l’ouragan avait diminué, car ils avaient été en vue de la terre ; mais le bâtiment n’ayant souffert aucune avarie, ils avaient pu regagner le large assez à temps.

Heureusement ce bâtiment avait pour lest de l’eau fraîche, et le capitaine Truck passa la nuit à négocier le transport sur ce bord de ses passagers, dans la crainte que la longueur de son voyage ne l’exposât à manquer des vivres avant d’arriver en Amérique. Dans la matinée, il offrit à tous ses passagers de les mettre à bord du transport. Tous ceux de l’avant et la plupart de ceux de l’arrière acceptèrent volontiers la proposition, et profitèrent avec plaisir de cette occasion d’échanger un bâtiment démâté contre un autre qui du moins avait conservé tous ses agrès. On y fit passer avec eux les provisions nécessaires, et le lendemain à midi le transport mit à la voile au plus près du vent, la mer étant assez calme et la brise encore de l’avant. Au bout de trois heures, il était hors de vue au nord-ouest, tandis que le Montauk continuait à s’avancer lentement vers le sud, dans la double vue de rencontrer les vents alisés, ou de toucher à l’une des îles du Cap Vert.


CHAPITRE XV.


Sa voix d’avant va maintenant bien parler de son ami, sa voix d’arrière lui sert à tenir d’infâmes propos et à calomnier.
La tempête



La situation du Montauk parut plus désolée que jamais après le départ d’un si grand nombre de ses passagers. Aussi longtemps que ses ponts avaient été couverts de créatures humaines, il avait un air de vie qui servait à diminuer les inquiétudes ; mais à présent qu’il