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— Vous le saurez dans dix minutes, car je vais faire une observation pour prendre la longitude ; il est un peu tard, mais on peut encore la calculer.

— Et nous pouvons compter sur la vérité de ce que vous nous direz ?

— Sur mon honneur, comme marin et comme homme.

Toutes deux se promenèrent en silence, pendant que le capitaine faisait ses observations pour prendre la hauteur du soleil. Quand il eut fini ses calculs, il revint près d’elles, les yeux lui roulant dans la tête, quoique conservant toujours un air de bonne humeur.

— Eh bien ! dit Ève, le résultat ?

— N’est pas aussi flatteur que je le voudrais. Nous sommes positivement à un degré de la côte. Mais comme le vent est tombé ou à peu près, nous pouvons espérer quelque autre brise qui nous éloignera de la terre. Et à présent que je vous ai parlé franchement, permettez-moi de vous prier de me garder le secret ; car si mes gens étaient informés du fait, ils ne rêveraient qu’aux Turcs, au lieu de songer à leur besogne.

Il ne fallait pas être un observateur très-profond, pour voir que le capitaine était loin d’être satisfait de la position dans laquelle se trouvait son bâtiment. Sans une seule voile de l’arrière, et presque sans aucun moyen d’en établir, il était inutile de songer à s’éloigner de la terre, surtout quand il fallait lutter contre les fortes vagues qui venaient encore du nord-ouest. Son projet était donc de toucher aux îles du Cap Vert ; avant d’y arriver, il rencontrerait certainement les vents alisés, et là il aurait quelque chance de pouvoir réparer ses avaries. Ses craintes auraient été beaucoup moindres si son bâtiment avait été d’un degré ou deux plus au sud, ou même d’un degré plus à l’ouest, parce que les vents qui dominent dans cette partie de l’océan viennent ordinairement du nord et de l’est ; mais il n’était pas facile de forcer un bâtiment à parcourir cette distance avec la misaine, seule voile régulière qui restât. Il est vrai qu’il avait à sa disposition quelques-uns des expédiens ordinaires des marins, et il y fit travailler tout son monde sur-le-champ ; mais comme ses principaux mâts s’étaient brisés près du pont, il devenait très-difficile de gréer des mâts de fortune.

Il fallait pourtant tenter quelque chose. On prépara donc les mâts de rechange, et l’on commença à prendre toutes les mesures nécessaires pour les mettre en place et les gréer aussi bien que les circonstances le permettaient. Dès que la mer devint plus calme et que le bâtiment eut moins de roulis, M. Leach réussit à placer sur l’avant