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en pareille occasion. Il venait de boire une tasse de café qui avait valu une nouvelle mercuriale à Saunders, quand le bruit du battement des voiles annonça que le vent avait cessé tout à coup.

— Mauvaise nouvelle, dit le capitaine en écoutant les coups portés aux mâts par la toile ; je n’aime jamais à entendre un bâtiment battre des ailes quand il est sur une mer houleuse ; mais cela vaut encore mieux que le désert de Sahara. Ainsi donc, ma chère miss Effingham, je vous invite à prendre une tasse de ce café ; il est un peu meilleur que ces jours derniers, grâce à la crainte inspirée à M. Saunders par les orangs-outangs, comme il aura l’honneur de vous en informer si vous…

Une secousse violente et subite qui se fit sentir sur tout le bâtiment, fut suivie d’un bruit semblable à un coup de mousquet. Le capitaine Truck se leva, et se tint debout, une main appuyée sur la table, le corps penché ; et tous ses traits indiquant l’attente et l’inquiétude. Une secousse semblable à la première y succéda, et trois à quatre autres explosions se suivirent rapidement, comme si autant de gros câbles se fussent rompus. Un bruit de brisement de bois se fit entendre, et ensuite un craquement général comme si le ciel tombait sur le malheureux bâtiment. La plupart des passagers fermèrent les yeux, et quand ils les rouvrirent M. Truck avait disparu.

Il est à peine nécessaire de décrire la scène de confusion qui suivit. Ève fut très-effrayée, mais elle montra de la fermeté, quoique mademoiselle Viefville tremblât tellement qu’il fallut que M. Effingham la soutînt.

— Nous avons perdu nos mâts, dit John Effingham avec beaucoup de calme. C’est un accident qui ne sera probablement pas très-dangereux. Il pourra prolonger notre séjour d’un mois ou deux, mais cela nous fournira l’occasion de faire une connaissance plus intime les uns avec les autres ; et, en si bonne compagnie, nous ne pouvons trop nous en applaudir.

Ève jeta un regard suppliant sur son parent, car elle vit qu’en appuyant sur les mots « en si bonne compagnie, » il avait les yeux fixés sur M. Dodge et M. Lundi, pour lesquels elle connaissait sa répugnance invincible. Ce qu’il avait dit expliquait la catastrophe, et la plupart des passagers montèrent sur le pont pour s’assurer du fait.

John Effingham ne s’était pas trompé. Les nouveaux haubans, qui avaient tellement allongé pendant l’ouragan, avaient été cause que les anciens haubans avaient souffert une tension trop forte pendant le roulis terrible du bâtiment. Le hauban le plus exposé s’était rompu le premier ; trois ou quatre autres en avaient fait autant ; et, avant