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prendre. Tous les ouragans commencent sous le vent, ou, en d’autres termes, le vent se fait d’abord sentir sur quelque point particulier, et plus tard, à mesure que nous nous éloignons de ce point en avançant dans la direction d’où vient le vent. C’est donc pour les marins un motif de plus de mettre à la cape au lieu de fuir vent arrière, puisque cette dernière manœuvre, non-seulement les éloigne de leur route véritable, mais les rapproche de la scène où les éléments déploient le plus de fureur[1].


CHAPITRE XIV.


Bon maître d’équipage, prenez bien garde !
La Tempête.



Au coucher du soleil, le point qu’offrait aux yeux le grand hunier de la corvette avait disparu sous l’horizon du côté du sud, et l’on ne revit plus ce bâtiment. Le Montauk avait passé devant plusieurs îles qui avaient un aspect tranquille et souriant au milieu des fureurs de la tempête, mais il avait été impossible de serrer la côte d’aucune d’elles. Tout ce qu’on pouvait faire, c’était de maintenir le Montauk vent arrière, et d’éviter avec soin ces rochers et ces bas-fonds que Nanny Sidley avait si vivement désirés.

S’étant familiarisés avec cette scène, les passagers commençaient à en être moins effrayés ; et comme fuir vent arrière a quelque chose d’agréable pour ceux qui sont sujets au mal de mer, ce qui les occupait le plus, avant que la nuit tombât, c’était la route que le paquebot était forcé de suivre. Le vent avait passé du côté de l’ouest, de manière à rendre certain que le Montauk rencontrerait la côte d’Afrique, s’il était obligé de continuer plusieurs heures à faire vent arrière ; car les observations du capitaine le plaçaient au sud-est des îles Canaries. Il était donc à une grande distance de sa route ; mais la rapidité de sa course expliquait suffisamment ce fait.

Ce fut aussi le moment précis où le Montauk sentit tout le poids de

  1. Il y a contradiction dans ce passage, car un bâtiment ne peut fuir vent arrière et en même temps se lancer dans le vent. La théorie que l’auteur veut décrire est effectivement peu connue dans le monde, et la voici : Quand on éprouve, je suppose, un coup de vent un nord-ouest à Paris, on s’imagine que, la veille ou quelques heures auparavant, ce même coup de vent a dû se faire sentir au Havre. Eh bien ! il n’en est rien : il n’aura lieu au Havre qu’après s’être fait sentir à Paris. Cela se comprend aisément, en songeant qu’un coup de vent n’est autre chose qu’un équilibre qui s’établit dans l’air, par suite d’un vide qui s’y est fait par une raréfaction subite. Ainsi donc, si un grand vide s’est opéré à Paris, l’air environnant s’y précipitera, et les parties plus éloignées de ce vide n’éprouveront que successivement l’influence de ce courant. C’est bien là, à ce qu’il paraît, le phénomène que l’auteur a voulu expliquer.