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voyage, quoique je doutasse que vous eussiez conservé quelque souvenir de l’un d’eux.

— Dès qu’un homme vous a parlé deux fois, miss Ève, je n’oublie jamais ses traits.

— Je vous remercie, ma chère Nanny, de cette preuve, jointe à mille autres, de l’intérêt constant que vous prenez à moi ; mais je ne vous avais pas crue assez vigilante pour faire une telle attention aux traits de ceux qui s’approchent de moi par hasard.

— Ah ! miss Ève ! je suis sûre, que ni l’un ni l’autre n’aimerait à vous entendre parler de lui avec ce ton d’insouciance. Ils ont fait tous deux beaucoup plus que s’approcher de vous par hasard, car quant à…

— Chut ! nous sommes à portée de bien des oreilles, et l’on pourrait vous entendre. Ne prononcez donc le nom de personne. Je crois que nous pourrons nous entendre sans entrer dans tous ces détails. Je voudrais savoir lequel de ces deux jeunes gens a fait impression la plus favorable sur votre esprit droit et candide.

— Qu’est-ce que mon jugement, miss Ève, en comparaison du vôtre, de celui de M. John Effingham, et de…

— Mon cousin John ! Au nom du ciel, qu’a-t-il de commun avec ce dont nous parlons ?

— Rien du tout. Je puis voir seulement qu’il a ses favoris aussi bien qu’un autre, et je réponds que M. Dodge n’est pas du nombre.

— Je crois que vous pourriez ajouter aussi sir George Templemore, dit Ève en souriant.

Nanny Sidley regarda sa jeune maîtresse entre deux yeux, et sourit à son tour avant de lui répondre. Elle continua ensuite la conversation aussi naturellement que si elle n’eût pas été interrompue.

— Rien n’est plus probable, miss Ève ; et M. Lundi et beaucoup d’autres de cette trempe. Mais vous voyez comme il découvre promptement un homme comme il faut ; car il cause sans façon et d’un ton amical avec M. Sharp et M. Blunt, surtout avec ce dernier.

Ève garda le silence, car elle n’aimait pas que ces mots fussent prononcés si ouvertement, quoiqu’elle sût à peine pourquoi.

— Mon cousin est un homme du monde, dit-elle enfin en s’apercevant que Nanny la regardait avec une sorte d’inquiétude comme si elle eût craint d’avoir été trop loin, et il n’est pas étonnant qu’il ait reconnu en eux des hommes de la même classe que lui. Nous savons toutes deux que ces jeunes gens ne sont pas tout à fait ce qu’ils paraissent être, et je crois que, nous n’avons rien à leur reprocher, si ce n’est ce ridicule changement de nom. Il aurait mieux valu qu’ils