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sur un bâtiment par un ouragan. Voilà mon opinion, capitaine Truck ; et quand il s’agit de dîner ou de souper, je ne trompe jamais personne. Je crois que M. Vattel donnerait son approbation à un pareil souper, commandant.

— Cela est possible ; il a commis des méprises aussi bien qu’un autre. Allez me préparer un verre de grog : je n’en ai pas eu une goutte d’aujourd’hui. — Messieurs, quelqu’un de vous voudrait-il mettre la main au plat avec moi ? Ce bœuf est très-mangeable, et voici un vrai jambon de Maryland. C’est ce que j’appelle des étoupes pour remplir les vides des coutures.

Mais tous les passagers étaient trop occupés de l’ouragan pour avoir de l’appétit. Cependant M. Lundi, le courtaud de boutique, comme John Effingham l’avait nommé, et qui avait été sur mer assez souvent pour en connaître toutes les variétés, consentit à prendre un verre d’eau et d’eau-de-vie, comme pour corriger le madère dont il s’était inondé. Le temps, quel qu’il fût, ne produisait aucun effet sur l’appétit du capitaine Truck, et quoique trop exact à remplir ses devoirs pour quitter le pont avant de s’être bien assuré de l’état des choses, maintenant qu’il avait pris son parti de manger, il le faisait de tout cœur, et avec un empressement qui prouvait qu’il ne songeait pas aux apparences quand il avait faim. Pendant quelque temps, il fut trop occupé pour pouvoir parler, et il attaquait successivement tous les mets placés devant lui, sans s’inquiéter par lequel il commençait. Il n’interrompait cet exercice que pour boire, et jamais il ne laissait une seule goutte dans son verre. M. Truck était pourtant un homme sobre, car il ne mangeait jamais plus que ses besoins physiques ne l’exigeaient, ou que ses moyens physiques ne le comportaient. Enfin il arriva aux entremesses du maître d’hôtel, et il commença alors à remplir d’étoupes les vides des coutures de son estomac.

Du salon des dames, M. Sharp avait, ainsi qu’Ève, été témoin du souper du capitaine, et pensant que c’était une occasion favorable pour s’assurer de la situation des choses sur le pont, il fut chargé par les dames d’entrer dans la grande chambre pour le lui demander.

— Les dames désirent savoir où nous sommes, et comment va l’ouragan, capitaine, dit M. Sharp après s’être assis près du trône.

— Ma chère miss Effingham, dit M. Truck, méprisant la diplomatie, et ne voulant pas employer l’entremise d’un ambassadeur, je désirerais de tout mon cœur pouvoir vous persuader ainsi qu’à mademoiselle Viefville de goûter quelques-unes de ces huîtres mari-