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pendant cette conversation, avait voulu dire des circonstances fortuites ; mais Toast pensa que de fortes circonstances pouvaient fort bien mettre un homme dans l’embarras. Après un moment de réflexion, ou de ce qu’il s’imaginait pouvoir passer pour réflexion sur sa figure orbiculaire et luisante, il dit à son compagnon :

— Je crois avoir deviné, monsieur Saunders, que les Effingham ne sont pas très-intimes avec sir George.

Saunders entrouvrit la porte de l’office pour faire une reconnaissance, et voyant que la même tranquillité continuait à régner dans la grande chambre, il ouvrit un tiroir, et en tira un journal de Londres.

— Pour vous montrer la confiance qui est due à un homme qui occupe une place aussi respectable et aussi responsable que la vôtre, monsieur Toast, lui dit-il, je vous dirai qu’un petit événement a transpiré hier en ma présence, et je l’ai cru assez particulier pour m’autoriser à garder ce papier. M. Sharp et sir George se trouvaient seuls dans la grande chambre, et le premier, à ce qu’il me sembla, désirait faire descendre tant soit peu le second de sa hauteur ; car, comme vous pouvez l’avoir remarqué ; il n’y a eu aucune conversation entre le baronnet et les Effingham, M. Sharp et M. Blunt. Ainsi donc, comme pour rompre la glace de sa hauteur, sir George dit : — Réellement, monsieur Sharp, les journaux sont devenus si personnellement particuliers, qu’on ne peut aller à la campagne pour y prendre une bouchée d’air frais sans qu’ils en parlent. Je pensais que pas une âme n’était instruite de mon départ pour l’Amérique, et cependant vous allez voir qu’ils en ont parlé avec plus de détails qu’il n’est agréable. En finissant ces mots, sir George donna le journal à M. Sharp, en lui montrant le paragraphe. M. Sharp lut l’article, remit le journal sur la table, et lui répondit froidement : — Cela est vraiment surprenant, Monsieur ; mais l’impudence est le défaut général du siècle. Et à ces mots, il sortit de la grande chambre. Sir George fut si vexé, qu’il entra dans sa chambre, et oublia le journal, qui tomba en la possession du maître d’hôtel, d’après un principe qu’on trouve dans Vattel, comme vous le savez, Toast.

Ici les deux dignes compagnons se livrèrent à la gaieté, en riant, quoique à petit bruit, aux dépens de leur commandant ; car quoique Saunders fût en général un homme grave, il savait rire dans l’occasion, et il se figurait même qu’il dansait particulièrement bien.

— Seriez-vous charmé de lire cet article, Toast ?

— Tout à fait inutile, Monsieur ; ce que vous m’en direz sera suffisamment risible, et satisfaisant.