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rayons divergeant d’un centre commun, qui était le grand fauteuil fixé à demeure que M. Truck aimait à occuper dans ses moments de loisir.

— Vous ferez encore bien des voyages avant de savoir réunir toutes les délicatesses nécessaires pour le dîner d’un homme comme il faut, monsieur Toast, dit M. Saunders à son subordonné, ou, comme on appelait quelquefois en plaisantant, au maître d’hôtel en second, quand ils se furent retirés dans l’office pour attendre l’arrivée du capitaine. Chaque plat — Saunders avait fait quelques voyages au Havre, et il y avait appris quelques termes de sa profession — chaque plat doit être à la portée du bras du convive, et surtout s’il s’agit du capitaine Truck, qui n’aime pas à laisser des intervalles dans ses repas. Quant aux entremesses, on peut les placer comme on l’entend, comme le sel et la moutarde, pourvu que le convive puisse commodément les tirer à lui.

— Je ne sais ce que c’est que des entremesses, monsieur Saunders et je désire excessivement recevoir mes ordres en bon anglais que je puisse comprendre.

— Un entremesse, monsieur Toast, est une légère bouchée placée indifféremment entre les aliments solides. Par exemple, supposons qu’on commence par une tranche de cochon salé, on désire naturellement boire un verre de grog ou de porter ; et pendant que je prépare le premier breuvage, ou que je débouche une bouteille du second, on se rafraîchit avec un entremesse, comme qui dirait une aile de canard, ou une assiette d’huîtres marinées. Il faut que vous sachiez que tous les passagers ne se ressemblent pas ; il y en a qui ne font que manger et boire, depuis l’instant qu’on met à la voile, jusqu’à celui où l’on jette l’ancre, tandis que d’autres prennent l’Océan, comme on pourrait dire, sentimentalement.

— Sentimentalement, Monsieur ? Je suppose que vous voulez parler de ceux qui ont souvent besoin d’une cuvette ?

— Cela dépend du temps. J’en ai vu d’abord qui ne mangeaient pas en une semaine ce qui aurait à peine suffi pour un bon dîner, et qui, ensuite, devenaient des dévorateurs insatiables quand ils étaient convalissants. Il y a aussi une grande différence, quand les passagers vivent en bon accord, ou comme chiens et chats ; car le bon accord donne de l’appétit, voyez-vous. Cependant les amoureux sont toujours des passagers peu coûteux et faciles à contenter.

— C’est extraordinaire, car je pensais qu’ils n’étaient jamais contents de rien, si ce n’est l’un de l’autre ;

— Vous ne vous êtes jamais tant trompé. J’ai connu un amoureux