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jeune chat en montre pour les souffrances de la première souris qu’il a prise, et qu’il s’amuse à tourmenter avant de la manger.

— C’est ce qu’il mérite pour s’être marié, monsieur Leach ; et prenez garde de ne pas faire le même abus des occasions que vous pourrez trouver, dit-il avec un air content de lui-même, en comparant trois ou quatre cigares placés dans le creux de sa main, comme pour voir lequel était le plus digne d’être serré le premier entre ses lèvres ; le mariage, monsieur Blunt, ne fait ordinairement que disposer un homme à avoir des nausées : rien n’est plus facile que de mettre en mouvement la pompe de l’estomac dans un homme marié. — Cela n’est-il pas vrai comme l’Évangile, monsieur John Effingham ?

M. John Effingham ne répondit rien ; mais le jeune homme qui admirait sa belle taille et ses traits nobles fut singulièrement frappé de l’amertume, pour ne pas dire de l’angoisse, empreinte dans le sourire par lequel il annonça son assentiment. Tout cela fut perdu pour le capitaine Truck, qui continua con amore :

— Une des premières questions que je fais relativement à chacun de mes passagers, c’est pour savoir s’il est marié. Si la réponse est non, je le regarde comme un bon compagnon dans un coup de vent comme celui-ci, — comme un homme qui peut fumer, — qui sait plaisanter quand un hunier est déralingué, — en un mot, comme un bon compagnon pour une catégorie. Si l’un de vous, Messieurs, avait une femme, elle vous tiendrait en ce moment sous le pont, de peur que vous ne glissiez par un dalot, — qu’une lame ne vous jette par dessus le bord, ou que le vent n’emporte vos sourcils ; et en ce cas, je perdrais l’honneur de votre compagnie. Un homme doit trouver ses aises trop précieuses pour les risquer sur la mer du mariage. Quant à vous, monsieur John Effingham, vous avez lové votre câble pendant environ un demi-siècle, et je n’ai pas beaucoup d’inquiétude pour vous ; mais M. Blunt est encore assez jeune pour être en danger. Je voudrais que Neptune vînt à bord, jeune homme, pour vous faire prêter serment d’être fidèle et constant à vous-même.

Paul Blunt sourit, rougit un peu, et reprenant courage lui répondit sur le même ton :

— Au risque de perdre votre bonne opinion, capitaine, et même en face de cet ouragan, je me déclarerai l’avocat du mariage.

— Si vous voulez me répondre à une question, mon cher Monsieur, je vous dirai si votre cas est désespéré ou non.

— Avant que j’y consente, vous devez sentir qu’il faut que je sache quelle est cette question.

— Avez-vous pris votre parti quant à la femme que vous épouse-