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tendit de ce discours que l’épithète honnête accolée à son nom dans la bouche d’Ève.

— Je vous remercie du compliment, ma chère jeune dame, lui dit-il, et je voudrais pouvoir persuader au capitaine, Dieu sait qui, commandant la corvette de Sa Majesté l’Écume, d’avoir la même façon de penser. C’est parce qu’il ne veut pas me croire honnête en ce qui concerne le tabac, qu’il a forcé le Montauk à venir jusqu’ici en longeant toute la côte d’Espagne, où l’ingénieur qui l’a construit ne le reconnaîtrait pas, tant il est peu-naturel et peut vraisemblable de trouver un paquebot allant régulièrement de New-York à Portsmouth, et de Portsmouth à New-York, à une si grande distance de sa route ordinaire. J’en aurai double embarras pour reconduire ce bon bâtiment en Amérique.

— Et pourquoi cet embarras, capitaine ? demanda Ève en souriant ; car la conversation du digne capitaine l’amusait. N’est-il pas aussi facile de traverser l’océan d’un côté que d’un autre ?

— Aussi facile, miss Effingham ! jamais vous ne vous êtes trompée davantage de toute votre vie. Vous imaginez-vous, par exemple, qu’il soit aussi facile d’aller de Londres à New-York, que de New-York à Londres ?

— Je suis assez ignorante pour avoir fait cette méprise, si c’en est une ; et je ne vois pas pourquoi l’un serait plus difficile que l’autre.

— Simplement parce que la route va en montant. Quant à notre position ici, à l’est des Açores, la difficulté est bientôt expliquée. J’ai appris à mon bon vieux bâtiment à connaître chaque pouce de la route par le nord ; maintenant je vais être obligé de lui en apprendre une autre, et ce sera comme un cheval ombrageux qu’on veut faire entrer dans son écurie par une nouvelle porte. Autant vaudrait vouloir tirer un cochon de dessous son toit que de faire sortir un bâtiment de sa route ordinaire.

— Nous nous fions sur vous pour le faire, et plus encore s’il le faut. — Mais a quoi aboutiront tous les signes imposants que nous avons sous les yeux ? Aurons-nous un ouragan, ou faut-il les regarder comme une vaine menace de la nature ?

— C’est ce que nous saurons dans le cours de la journée, miss Effingham, quoique la nature ne soit pas comme un fanfaron, et qu’elle menace rarement en vain. Il n’y a rien de plus curieux à étudier que les vents, rien qui exige un œil plus exercé.

— J’en suis pleinement convaincue, capitaine, car ils sont inaccessibles à la vue, et vous vous rappellerez que la plus hante autorité que nous ayons, dit qu’ils sont hors de la portée des connaissances