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quart fit rapport qu’elle restait sur l’avant. Le croiseur était encore en vue, mais heureusement il était assez loin pour qu’on n’eût pas à craindre qu’il envoyât ses embarcations, et l’on avait le temps de faire les préparatifs nécessaires pour attendre une nouvelle brise et pouvoir en profiter. Tout annonçait que ce changement ne tarderait pas à arriver, car le ciel s’éclaircissait au nord-ouest, côté d’où le génie des tempêtes se plaît à déployer son pouvoir.


CHAPITRE X.


Je viens armé de puissance. Qui m’appelle silencieux ? J’ai bien des tons différents, le ciel sombre frémit de gémissements mystérieux, qui sont portés sur les ailes de mes vents.
Mistress Hemans.



Le réveil des vents sur l’océan est souvent suivi des signes et des prodiges les plus sublimes que l’imagination puisse concevoir. En cette occasion, le vent qui avait régné si constamment pendant une semaine, fut remplacé par de légères brises folles, comme si, sachant que les puissances des airs rassemblaient leurs forces, ces vents inférieurs eussent cherche de côté et d’autre un refuge contre leur fureur. Les nuages parcouraient le firmament en tourbillons incertains ; les plus noirs et les plus épais descendant si bas vers l’horizon, qu’ils avaient l’air de vouloir toucher les eaux pour y chercher le repos ; mais les eaux elles-mêmes offraient aux yeux une scène d’agitation extraordinaire. Les vagues ne se suivaient plus régulièrement l’une l’autre, elles semblaient des coursiers emportés, arrêté tout à coup dans leur carrière impétueuse. L’ordre habituel de l’Océan, éternellement agité, semblait perdu dans un chaos de confusion, les lames s’élevant sans ordre et souvent sans cause visible ; c’était la suite de la réaction des courants et de l’influence de brises encore plus anciennes que la dernière. Au milieu de cette scène menaçante, le calme terrible de l’air n’était pas le symptôme le moins effrayant. Le bâtiment lui-même faisait partie du tableau, et ajoutait à impression faite par l’attente de ce qui pouvait arriver. En diminuant ses voiles, le Montauk semblait avoir perdu l’instinct qui l’avait guidé sur l’océan, et il flottait presque au hasard au milieu de la confusion des eaux. Il offrait pourtant encore un grand et beau spectacle, et peut-être plus remarquable en ce moment qu’en tout autre ; car ses vergues, ses mâts et le mécanisme ingénieux et compliqué de tous ses agrès, donnaient l’idée d’un gladiateur nerveux et gigan-