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pitaine, si nous cherchions un refuge pour un jour ou deux à Lisbonne ? J’avoue que j’aimerais à voir cette ville ; et quant aux frais de port, j’en paierais volontiers le double, plutôt que de souffrir que ce pauvre Davis soit arraché à sa femme. J’espère, capitaine, que je me suis suffisamment expliqué sur ce point.

M. Truck serra cordialement la main du baronnet, comme il le faisait toujours chaque fois qu’il renouvelait cette offre, en lui déclarant que de tels sentiments lui faisaient honneur.

— Mais ne craignez rien pour Davis, ajouta-t-il ; ni le vieux Grab ni l’Écume ne le pinceront pour cette fois. Plutôt que de l’exposer ainsi que nous à cette honte, je le jetterais par-dessus le bord. Eh bien ! ce drôle nous a chassés de notre route, et il ne nous reste qu’à faire le passage du sud, à moins que le vent ne vienne à souffler de ce côté.

Dans le fait, le Montauk n’avait pas considérablement devié d’une route qui était autrefois celle que préféraient les bâtiments de Londres, Lisbonne et New-York étant sous le même parallèle de latitude, et les courants, si l’on savait en profiter, favorisant la navigation. Il est vrai que le Montauk s’était tenu longtemps plus près des côtes qu’on n’avait coutume de le faire, même pour le passage dont il parlait ; mais les circonstances particulières de la chasse n’avaient pas laissé d’autre alternative au capitaine, comme il l’expliqua à ceux qui l’écoutaient :

— Il s’agissait de choisir entre un voyage le long des côtes, ou un retour à Portsmouth à la remorque, dit-il, et je suis sûr que vous aimez trop le Montauk pour vouloir le quitter si tôt.

Le baronnet l’assura qu’il ne se trompait pas, et protesta qu’il prenait un si vif intérêt au bâtiment sur lequel il était, qu’il donnerait volontiers mille livres sterling pour qu’il ne fût pas rejoint par la corvette. Le capitaine l’assura que de pareils sentiments étaient ce qu’il aimait, et jura qu’il était de l’espèce de passagers qu’il se plaisait le plus à avoir sur son bord.

— Quand un homme met le pied sur le pont d’un bâtiment, sir George, il doit le regarder comme sa maison, son église, sa femme, ses enfants, ses oncles, ses tantes, et tout le reste du fatras qu’il laisse à terre. C’est là le sentiment qui fait les marins. Or, j’ai plus d’affection pour le plus petit fil de caret qui se trouve sur mon bord, que pour tous les câbles et cordages de tout autre bâtiment. C’est comme un homme qui aime son doigt ou son orteil plus que tout le corps d’une autre personne. J’ai entendu dire qu’on doit aimer son prochain comme soi-même ; mais, quant à moi, j’aime mieux mon