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main matin le capitaine Truck eut un réveil désagréable en apprenant que la corvette était presque à une portée de canon. En montant sur le pont, il vit que le fait était incontestable. Favorisé par le changement de route, le croiseur avait graduellement gagné sur le Montauk depuis que le quart de huit heures du soir avait été relevé, et il avait diminué des deux tiers la distance qui séparait les deux bâtiments ; il n’y avait d’autre remède que d’essayer encore une fois l’ancien expédient de voguer vent arrière et de déployer toutes les voiles. Comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, cette mesure eut le même résultat que la première fois : le paquebot reprit de l’avance, et la corvette retomba peu à peu en arrière. M. Truck déclara alors qu’il en ferait une affaire régulière, et en conséquence il gouverna dans la même direction toute la journée ; toute la nuit suivante et le lendemain jusqu’à midi, variant légèrement sa route pour suivre le vent ; et il mit tant de soin à le maintenir en arrière, que ses bonnettes le recevaient des deux côtés. Le quatrième jour à midi, le capitaine fit une bonnes observation, et le résultat de ses calculs lui apprit qu’il était dans la latitude d’Oporto, et qu’il en était à moins d’un degré de longitude. On pouvait alors, du Montauk, voir les perroquets de l’Écume qui ressemblaient à une barque à l’horizon. Comme il avait bien pris son parti d’entrer dans un port, plutôt que de se laisser aborder par la corvette, il s’était maintenu si près de la terre, dans l’intention de profiter de sa position, si quelque événement favorisait le croiseur ; mais il crut alors qu’au coucher du soleil il pourrait en toute sûreté diriger sa route vers l’Amérique.

— Il faudra qu’il y ait de bons yeux à son bord, s’il peut voir de cette distance ce que nous ferons quand la nuit sera tombée, dit-il à M. Leach qui exécutait tous ses ordres avec zèle et obéissance. Nous saisirons le premier moment pour nous lancer dans la grande prairie, et nous verrons alors qui connaît le mieux la piste. Vous aimerez à trotter dans les prairies, sir George, dès que nous serons arrivés, et à vous essayer à la chasse du buffle, comme tant d’autres. Il y a dix ans, quand un Anglais venait chez nous, il craignait d’être scalpé dans le Broad-Way ; et maintenant pas un n’est satisfait s’il n’est à califourchon sur les montagnes Rocky dans la première quinzaine. Tous les étés j’emmène une foule de badauds de Londres, qui tirent un coup de fusil sur un ours ou une antilope, et qui repartent bien vite afin d’arriver à temps pour l’ouverture du théâtre de Drury-Lane.

— Ne serions-nous pas plus sûrs de réussir dans vos plans, ca-