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CHAPITRE IX.


La lune se levait alors dans son plein, mais couverte d’un nuage ; le vent se taisait, et la mer était un miroir.
L’Italie



La plupart des passagers montèrent sur le pont peu de temps après qu’on eut entendu Saunders remuer ses verres. Il faisait assez jour pour qu’on eût pu voir distinctement tout ce qui se passait, et le vent avait changé. Il n’y avait pas plus de dix minutes que ce changement était survenu, quand la plus grande partie des passagers montèrent l’escalier presque en corps, et M. Leach venait d’orienter les vergues, car la brise, qui était forte, venait alors du nord-est. On ne voyait la terre d’aucun côté, et il énonçait l’opinion qu’ils étaient à la hauteur des îles de Scilly, quand le capitaine Truck se montra sur le pont.

Un regard sur les voiles, un coup d’œil vers le ciel, suffirent à l’expérience du vieux marin pour lui faire connaître la situation précise de son bâtiment. Il monta ensuite dans les haubans, et ses yeux se portèrent dans la direction du cap Lizard. Là, à son grand désappointement, il vit un bâtiment sous toutes ses voiles, et ayant une bonnette battant. Il le reconnut à l’instant : c’était l’éternelle Écume. À cette vue, M. Truck serra les lèvres, et prononça mentalement une imprécation que nous ne pourrions rapporter sans craindre de blesser les convenances.

— En haut tout le monde, monsieur Leach, pour larguer tous les ris, dit-il avec le plus grand sang-froid, car il se faisait une règle d’avoir l’air le plus calme quand il était dans la plus grande fureur ; faites déployer jusqu’au dernier haillon qui puisse recevoir le vent, depuis la pomme du plus haut mât jusqu’au plus bas boute-hors des bonnettes, et qu’il aille au diable.

M. Leach fit exécuter cet ordre, et l’on vit à l’instant des hommes sur les vergues larguant les ris. Toutes les voiles furent établies les unes après les autres ; et comme les passagers de l’avant, au nombre de trente à quarante hommes, aidèrent à la manœuvre, on vit bientôt le Montauk courir, vent arrière, sous toutes ses voiles, et avec les bonnettes des deux bords. Les deux lieutenants semblaient surpris, et tout équipage portait les yeux vers le gaillard d’arrière, comme s’ils n’eussent pas bien compris la cause de cette manœuvre. M. Truck alluma un cigare.

— Messieurs, dit-il après avoir philosophiquement lâché quelques bouffées de fumée, aller en Amérique avec ce drôle sur ma hanche