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celui du sucre des autres colonies, l’avantage d’une bonne récolte serait entièrement perdu, à moins que le gouvernement ne réduisît le droit d’importation du sucre dans les Indes orientales au même taux que celui du sucre des Indes occidentales. J’enfermai cette missive dans une lettre que j’écrivais à un des ministres de Sa Majesté, et je lui demandai en termes aussi fermes que laconiques s’il était possible que l’empire prospérât quand on en laissait une portion (les Indes occidentales) en possession de privilèges exclusifs, au préjudice de toutes les autres. Cette question étant faite dans un esprit et d’un ton véritablement anglais, j’espère qu’elle tendit à ouvrir les yeux du gouvernement, car peu de temps après on parla beaucoup dans les journaux et dans le Parlement de la nécessité d’égaliser les droits sur le sucre dans les deux Indes, et d’établir, comme la justice l’exigeait, la prospérité nationale sur la seule base qui soit solide, la liberté du commerce.

La troisième épître venait du directeur d’une grande manufacture à laquelle j’avais avancé la moitié de ses fonds, afin de prendre intérêt aux fabriques d’étoffes de coton. Il se plaignait amèrement du droit d’importation sur les cotons écrus ; faisait des allusions piquantes à la concurrence qui s’établissait sur le continent et en Amérique, et me donnait assez clairement à entendre que le propriétaire du bourg d’House-Holder devait faire connaître ses sentiments à l’administration sur une question d’une si vaste importance pour la nation. À l’instant même j’écrivis une longue lettre à mon ami lord Pledge, pour lui faire sentir le danger qui menaçait notre économie politique. Je lui dis que nous imitions les fausses théories des Américains, — les concitoyens du capitaine Poke ; — qu’il était clair que le commerce n’était jamais plus prospère que lorsqu’il obtenait du succès ; que le succès dépendait des efforts, et que les efforts n’étaient jamais plus efficaces que lorsqu’il y avait moins de charges à supporter ; en un mot que, comme il était évident qu’on sautait plus loin quand on n’avait pas les fers aux pieds, et qu’on frappait plus fort quand on n’avait pas de menottes, de même un marchand pourrait faire des marchés plus avantageux pour lui quand tout serait arrangé à son gré, que lorsque son industrie entreprenante était paralysée par l’intervention impertinente des intérêts des autres. Je finissais par un tableau éloquent de la démoralisation qui était la