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« Come on portais vous ? » Cependant, étant accoutumé aux coups de vent, j’accepterai votre offre, sous la dernière condition que vous y avez mise.

La précaution de l’étranger me plut, elle annonçait du respect pour son caractère ; acceptai donc la condition avec autant de franchise qu’il en avait mis à la proposer.

— Maintenant, Monsieur, ajoutai-je quand nous nous fûmes serré la main cordialement, puis-je vous demander votre nom ?

— Mon nom est Noé, et peu m’importe qui le sache ; si j’ai à être honteux de quelque chose, ce n’est d’aucun de mes noms.

— Noé ?

— Noé Poke ; à votre service.

Il prononça ces deux mots lentement et d’une voix très-distincte, comme pour prouver qu’il ne craignait pas de les faire connaître ; j’eus ensuite occasion devoir sa signature, qui était « le capitaine Noé Poke. »

— Dans quelle partie de l’Angleterre êtes-vous né, monsieur Poke ?

— Dans les nouvelles parties, je crois pouvoir dire.

— Je ne savais pas qu’on désignât ainsi aucune partie de notre île. Voulez-vous bien vous expliquer ?

— Je suis né à Stonington, état de Connecticut, dans l’ancienne Nouvelle-Angleterre. Mes parents étant morts, j’allai sur mer dès l’âge de quatre ans ; et me voici me promenant dans le royaume de France, sans un centime dans ma poche, pauvre marin naufragé ; naufragé ; mais, quelque dur que soit mon sort, j’aimerais mieux mourir de faim, pour dire la vérité, que d’être obligé, pour vivre, de parler leur maudit baragouin.

— Marin, — naufragé, — mourant de faim, — et Yankee[1] !

— Oui, tout cela, et peut-être quelque chose de plus. Mais, avec votre permission, commodore, nous laisserons de côté le dernier titre : oui, je suis un Yankee, et je le dis avec fierté ; mais quand j’entends un Anglais prononcer ce nom, je suis toujours porté à lui tourner le dos ; nous sommes encore amis, et autant vaut que nous continuions à l’être, tant que l’un ou l’autre de nous y trouvera son avantage.

— Pardon, monsieur Poke, je ne vous offenserai plus ainsi.

  1. Nom que les Anglais donnaient par dérision aux habitants de la Nouvelle-Angleterre pendant la guerre de l’indépendance.