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« Ma chère, ma bien chère, ma très-chère Anna.

« J’ai rencontré ce matin sur les boulevards votre ancien voisin, et, pendant une heure de conversation, nous n’avons presque fait que parler de vous. Quoique mon désir le plus ardent ait été d’ouvrir mon cœur à toute l’espèce humaine, je crains, Anna, de n’avoir jamais aimé que vous. L’absence, bien loin d’étendre la sphère de mes affections, n’a fait que la rétrécir, et vos vertus et votre beauté en sont le point central. Le moyen que j’ai pris pour y remédier est donc insuffisant, et je ne vois que le mariage qui puisse laisser assez de liberté à mes pensées et à mes actions pour donner une attention convenable au reste de la race humaine. Votre image m’a suivi dans les quatre coins de la terre, par terre et par mer, au milieu des dangers et en pleine sûreté ; en toute saison, en tout pays, en toutes circonstances ; et je ne vois pas de raison suffisante pour que ceux qui sont toujours présents en idée restent séparés de corps. Vous n’avez qu’à dire un mot, qu’à murmurer un espoir ou un désir, et je me jette à vos pieds avec repentir pour implorer pitié. Mais quand nous serons unis, nous ne nous égarerons pas dans les sentiers sordides et étroits de l’égoïsme, nous chercherons ensemble à acquérir de nouveaux droits, des droits encore plus forts, sur cette belle création dont je reconnais que vous êtes la portion la plus divine.

« Croyez-moi, ma chère, très-chère Anna, bien sincèrement et pour toujours,

« Tout à vous et à l’espèce humaine,
John Goldencalf. »

S’il existait un heureux mortel sur la terre, quand j’eus écrit et cacheté cette lettre, et que je l’eus mise à la poste, c’était moi. Le dé en était jeté ; il me semblait que mon être était régénéré, plus élastique, et que je marchais sur l’air. Quoi qu’il pût arriver, j’étais sûr d’Anna : sa douceur calmerait mon impétuosité ; sa prudence modérerait mon énergie ; son affection pure et tranquille serait un baume pour mon âme. Je me sentais en paix avec tout ce qui m’entourait et avec moi-même, et je trouvais une douce assurance de sagesse de la démarche que je venais de faire, dans