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vait être difficile à un homme qui se trouvait dans ma situation de donner l’exemple de la philanthropie. Il est vrai que des observateurs superficiels pourront dire que le cas de mon père est une exception, ou plutôt une objection à cette théorie ; mais cette observation manque de justesse. Mon père avait placé à peu près toute sa fortune dans les fonds publics. Or, il est incontestable qu’il avait un amour ardent pour ces fonds ; il était furieux quand il les croyait menacés ; il demandait à grands cris les baïonnettes quand on murmurait contre les taxes ; il faisait l’éloge du gibet à la moindre apparence d’une émeute, et il prouvait en cent autres manières que — où le trésor est placé, là le cœur l’est aussi. — L’exemple de mon père, comme toutes les exceptions, ne sert donc qu’à prouver l’excellence de la règle. Il avait seulement commis l’erreur de rétrécir le cercle de ses idées au lieu de l’agrandir. Je résolus de faire le contraire, — de faire ce que nul économiste politique n’avait probablement encore songé à faire, — en un mot, de mettre à exécution le principe de l’apport dans la société de manière à tout aimer, et par conséquent à me rendre digne d’être chargé du soin de tout.

En arrivant à Londres, ma première visite fut une visite de remerciements à lord Pledge. J’eus d’abord quelques doutes sur la question de savoir si mon titre de baronnet aiderait le système de philanthropie ou y nuirait ; car, en m’élevant au-dessus d’une grande partie de mes semblables, il m’éloignait, du moins sous ce rapport, de la sympathie philanthropique ; mais lorsque j’eus reçu mon brevet et payé les frais de son expédition, je pensai qu’on pouvait regarder ce titre comme un placement pécuniaire ; et que par conséquent il entrait dans le système des principes que j’avais adoptés pour le gouvernement de ma conduite.

La première chose que je fis ensuite fut d’employer des agents pour m’aider à faire les acquisitions qui m’étaient nécessaires pour m’attacher au genre humain. Comme l’argent ne me manquait pas, et que je n’étais pas difficile sur les prix, un mois suffit à toutes mes opérations. Au bout de ce temps, je commençai à éprouver certains sentiments qui me prouvèrent le succès de mon expérience. En d’autres termes, j’avais d’immenses possessions, et je commençais à prendre un vif intérêt à tout ce que je possédais.

J’achetai des domaines en Angleterre, en Irlande, en Écosse