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spécialement adressée, et elle ne sortira de mes mains que lorsque j’apprendrai que quelqu’un y a plus de droit que moi.

J’avoue que mon cœur tressaillit quand je rompis le cachet de l’enveloppe, car je n’avais vu mon père que fort peu, et je savais que c’était un homme dont les opinions étaient aussi étranges que les habitudes. Le testament était autographe et très-court. Je rappelai mon courage et je lus tout haut ce qui suit :

« Au nom de Dieu, — amen. Moi, Thomas-Goldencalf, de la paroisse de Bow, Cité de Londres, déclare que ce qui suit est mon testament et ma dernière volonté.

« C’est-à-dire : Je lègue à mon fils unique et chéri, John Goldencalf, tous mes biens immeubles situés dans la paroisse de Bow, susdite Cité de Londres, pour par lui, ses héritiers ou ayants cause, en jouir et disposer à perpétuité.

« Je lègue à mondit fils unique et chéri, John Goldencalf, tous mes biens mobiliers, en quoi qu’ils puissent consister, comme sommes placées dans les fonds publics, actions de banque, annuités, créances hypothécaires, billets, reconnaissances, meubles meublants, argent comptant, et généralement tout ce qui m’appartiendra au jour de mon décès, pour par lui, ses héritiers et ayants-cause, en jouir et disposer à compter dudit jour.

« Je nomme mondit fils unique et très-chéri, John Goldencalf, mon seul exécuteur testamentaire, lui conseillant de ne se fier à aucun de ceux qui pourront prétendre avoir été mes amis ; et par-dessus tout de faire la sourde oreille aux prétentions et sollicitations de sir Joseph Job, baronnet. En foi de quoi, etc. »

Ce testament était revêtu de toutes les formes légales, et le commis de confiance du défunt, sa garde-malade et une de ses servantes l’avaient signé comme témoins.

— Les propriétés sont en danger, sir Joseph, dis-je d’un ton sec en ramassant les papiers pour les mettre en sûreté.

— On peut faire casser ce testament, Messieurs, s’écria le baronnet avec fureur ; il contient un libelle.

— Et pour l’avantage de qui, sir Joseph ? demandai-je fort tranquillement. Il me semble que, si je ne suis pas légataire de mon père, je suis son héritier.

Cette vérité était si évidente que la plupart des spectateurs se retirèrent en silence. Sir Joseph lui-même, après un délai de quelques instants, pendant lesquels il parut fort agité, prit le parti