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mort ; ses yeux, encore ouverts, semblaient exprimer cette frénésie de plaisir au milieu de laquelle il avait rendu le dernier soupir ; et toute sa physionomie portait les marques effrayantes de l’anéantissement. Je me mis à genoux près de son lit, et, tout protestant que j’étais, je fis une prière fervente pour le repos de son âme. Je pris ensuite congé du premier et du dernier de tous mes ancêtres.

À cette scène lugubre succéda le temps ordinaire de chagrin extérieur, l’enterrement, et l’attente intéressée de ceux qui espéraient quelques legs du défunt. Je vis la maison fréquentée par des gens qui ne s’y étaient montrés que bien rarement pendant la vie de celui à qui elle appartenait. On se formait en groupes, on se parlait à demi-voix en me regardant, et je n’y comprenais rien. Le nombre des visites augmenta graduellement, et il y avait souvent une vingtaine de personnes dans la maison. J’y remarquai le ministre de la paroisse, les administrateurs de quelques établissements de charité, quatre ou cinq agioteurs bien connus à la Bourse, et à la tête desquels se trouvait sir Joseph Job ; enfin, trois philanthropes de profession, c’est-à-dire de ces gens qui n’ont d’autre occupation que de stimuler la charité indolente de leurs voisins.

Le jour qui suivit l’enterrement de mon père, sa maison parut être le rendez-vous général de tous ceux qui y étaient venus depuis sa mort. Les conférences secrètes continuèrent et devinrent plus animées que jamais, et enfin je fus invité à me réunir à eux dans la chambre qui avait été le sanctum sanctorum du défunt. Lorsque j’y fus entré, et que j’y vis une vingtaine de figures dont la plupart m’étaient inconnues, je fus surpris qu’on m’importunât si mal à propos, moi à qui l’on avait fait si peu d’attention jusque alors. Sir Joseph se chargea d’être l’orateur la compagnie.

— Nous avons désiré votre présence, monsieur Goldencalf, dit le baronnet en passant un mouchoir sur ses yeux par décence, parce que nous pensons que notre respect, notre estime et notre vénération pour notre défunt ami exigent que nous ne négligions pas plus longtemps ses dernières volontés, mais que nous procédions à l’ouverture de son testament, afin que nous puissions prendre de promptes mesures pour son exécution. Il aurait été plus régulier de le faire avant son enlèvement ; car nous ne pou-