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CHAPITRE IV.


Contenant les hauts et les bas, les espérances, les craintes et les caprices de l’amour ; une mort, une succession.



De ma vingtième à ma vingt-troisième année, il ne se passa aucun événement de grande importance. Le jour où j’atteignis ma majorité, mon père m’assura un revenu annuel de mille livres sterling. Je ne doute pas que je n’eusse passé mon temps comme les autres jeunes gens, sans la circonstance de ma naissance ; et je commençai à voir qu’il me manquait quelque chose de ce qui était nécessaire pour me permettre de prendre place dans une certaine portion de ce qu’on appelle le grand monde. Tandis que bien des gens s’évertuaient à chercher la trace de leur famille dans l’obscurité des temps, chacun répugnait à le faire d’une manière aussi claire et aussi distincte que je le pouvais. De tout cela, et de beaucoup d’autres preuves, j’ai été porté à conclure qu’il faut une main délicate et expérimentée pour préparer la dose de mystification qui paraît nécessaire au bonheur de la race humaine. Nos organes, au physique et au moral, sont d’une constitution si fragile, qu’ils ont besoin d’être protégés contre les réalités. Comme l’œil du corps a besoin d’un verre noirci pour regarder le soleil, de même il semble que celui de l’esprit a besoin d’une sorte de brouillard pour regarder fixement la vérité. Mais tout en évitant d’ouvrir mon cœur à Anna sur ce sujet, je cherchais une occasion de converser avec le docteur Etherington et avec mon père, sur les différents points qui m’embarrassaient le plus. Le premier établissait des principes qui tendaient à démontrer que la société était nécessairement divisée en diverses classes ; qu’il était non seulement impolitique, mais pernicieux, d’affai-