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qui se trouva en possession de dix mille livres sterling, ou de celui qui en était privé. Cependant le docteur Etherington agit dans toute cette affaire avec l’intégrité la plus scrupuleuse, et quoique je sache qu’un écrivain appelé à rapporter toutes les merveilles qui doivent orner les pages suivantes de cette histoire, doit user de quelque discrétion en tirant sur la crédulité de ses lecteurs, la vérité me force à dire que cette somme fut employée jusqu’au dernier farthing suivant les intentions de la chrétienne mourante qui avait destiné tant d’argent à l’instruction des pauvres. Quant à l’usage qu’en fit l’établissement de charité qui reçut les dix mille livres, je ne puis rien dire à ce sujet, car toutes les enquêtes que j’ai faites n’ont pu me procurer aucune information qui m’autorise à en parler.

Quant à moi, j’aurai peu de chose à dire des vingt années suivantes de ma vie. Je fus baptisé, nourri, mis en culottes, confirmé, envoyé au collège ; puis à l’université, où je pris mes grades ; et c’est ce qui arrive à tous les jeunes gens possédant quelque fortune, et membres de l’Église établie dans le royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, en d’autres termes, dans le pays de mon père. Pendant ces années importantes, le docteur Etherington eut à s’acquitter de devoirs qui, à en juger par un sentiment dominant de la nature humaine, qui nous inspire uniformément une répugnance assez singulière à nous mettre en peine des affaires des autres, doivent, je crois, lui avoir paru tout aussi pénibles que ma bonne mère l’avait prévu. Je passais à son presbytère presque tout le temps de mes vacances ; car, entre l’époque de la mort de ma mère et celle où j’étais parti pour le collège d’Eton, il s’était marié, était devenu père, ensuite veuf, et avait échangé son bénéfice à Londres contre un autre à la campagne. Lorsque j’eus quitté l’université d’Oxford, je passais plus de temps chez lui que dans la maison de mon père. Dans le fait, je voyais peu ce dernier. Il payait les traites que je tirais sur lui, me fournissait tout l’argent dont j’avais besoin, et avait annoncé son intention de me permettre de voyager quand j’aurais atteint ma majorité. Mais, satisfait de ces preuves de tendresse paternelle, il paraissait disposé à me laisser agir à peu près comme bon me semblerait.

Mon père était une preuve éloquente de la vérité de ce dogme politique qui apprend l’efficacité de la division du travail. Jamais