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Mon père fut pourtant vivement frappé du changement physique opéré sur la figure de sa femme.

— Tu es bien maigrie, Betsy, lui dit-il en lui serrant la main avec un air d’affection, beaucoup plus vif que je ne le pensais et que je n’aurais pu le croire. A-t-on soin de te donner de bons consommés et une nourriture fortifiante ?

Ma mère sourit ; mais son sourire lugubre était celui de la mort ; et elle secoua la main d’un air qui exprimait le dégoût que lui inspirait une telle idée.

— Rien de tout cela ne peut plus m’être utile, monsieur Goldencalf, répondit-elle d’une voix distincte, et avec une énergie qui prouvait qu’elle avait réservé ses forces pour ce moment ; la nourriture et les vêtements ne sont plus au nombre de mes besoins.

— Eh bien ! Betsy, on ne peut dire qu’une femme qui ne manque ni de nourriture ni des vêtements, souffre beaucoup, après tout ; et je suis bien aise que tu aies l’esprit satisfait sur ces deux points. Cependant le docteur Etherington me dit que tu es loin d’être en bonne santé de corps, et je viens voir si je puis faire quelque chose qui te soit agréable.

— Vous le pouvez, monsieur Goldencalf ; je n’ai plus aucun besoin pour cette vie. Dans une heure ou deux, je serai loin de ce monde, de ses soucis, de ses vanités, de son… Ma pauvre mère voulait probablement ajouter de son indifférence ou de son égoïsme, mais elle s’interrompit, et après une pause d’un instant : Grâce à la merci de notre bienheureux Rédempteur, et aux sages avis de ce digne homme, continua-t-elle en levant les yeux vers le ciel avec une ferveur respectueuse, et en les tournant ensuite vers le vénérable ministre avec un air de reconnaissance, je quitte le monde sans alarmes, et, si ce n’est une seule chose, je pourrais dire sans regret.

— Et qu’as-tu qui puisse t’affliger, Betsy ? demanda mon père en se mouchant, et avec un ton de tendresse qui ne lui était nullement ordinaire. S’il est en mon pouvoir de te mettre l’esprit à l’aise sur quelque point que ce soit, dis-le-moi, et je donnerai sur-le-champ les ordres nécessaires pour ce que tu désires. Tu as toujours été une femme bonne et pieuse, et tu ne peux avoir grand-chose à te reprocher.

Ma mère jeta un regard vif et pénétrant sur son mari : jamais