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pouvait l’être lui-même. Je rapporterai l’important événement de son passage de ce monde dans un meilleur, tel que je l’ai souvent entendu répéter par un homme qui en avait été lui-même témoin, et qui contribua beaucoup par la suite à faire de moi ce que je suis aujourd’hui. C’était le ministre de notre paroisse, pieux et savant ecclésiastique, aussi distingué par sa naissance que par ses sentiments.

Quoique ma mère sentît depuis longtemps qu’elle était sur le point d’aller rendre son grand compte, elle avait constamment défendu qu’on détournât son mari des affaires qui absorbaient toute son attention, en l’informant de la situation dans laquelle elle se trouvait. Il savait pourtant qu’elle était mal, très-mal, comme il avait lieu de le croire ; mais comme il avait non seulement permis, mais expressément ordonné qu’elle reçût tous les soins et tous les secours que l’argent pouvait procurer, — car mon père n’était pas avare dans le sens vulgaire de ce mot, — il pensait avoir fait tout ce qu’un homme pouvait faire dans un cas où il s’agissait de vie ou de mort, événement sur lequel il déclarait qu’il ne pouvait avoir d’influence. Il vit le docteur Etherington, notre ministre, entrer et sortir tous les jours pendant un mois, sans en témoigner ni crainte ni inquiétude ; car il pensait que sa conversation tendait à tranquilliser ma mère, et il aimait fort tout ce qui pouvait lui permettre de se livrer paisiblement aux occupations qui absorbaient toute l’énergie de son âme. Le médecin recevait sa guinée à chaque visite avec une ponctualité scrupuleuse ; les deux garde-malades étaient bien payées et fort satisfaites, car elles ne recevaient d’ordres de personne que du docteur ; tout était régulièrement soldé par mon père avec la même libéralité que si la femme résignée dont il était sur le point d’être séparé pour toujours eût été le choix spontané de sa jeunesse et de son affection.

Quand donc un domestique alla lui dire que le docteur Etherington lui faisait demander un entretien particulier, mon digne père, qui n’avait pas à se reprocher d’avoir négligé aucun des devoirs qu’il convient à un ami de l’Église et de l’État de remplir, ne fut pas peu surpris de cette requête.

— Je viens m’acquitter d’un devoir pénible, monsieur Goldencalf, lui dit le docteur en entrant dans le cabinet dont sa demande lui avait fait ouvrir la porte pour la première fois ; le fatal secret