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cuteur testamentaire, mon père, et peu m’importe à qui vous laisserez vos biens. »

Quoi qu’il en soit, une chose très-certaine c’est que mon digne père remplit ses devoirs de tuteur avec la fidélité scrupuleuse d’un homme qui avait pris des leçons d’intégrité à l’école morale du commerce. La petite Betsy fut élevée conformément à sa condition ; sa santé fut soignée comme si elle eût été la fille unique d’un monarque, au lieu d’être celle d’un marchand d’objets de fantaisie ; une vieille fille fut chargée de former ses mœurs ; son esprit fut laissé dans sa pureté primitive, et sa personne fut mise soigneusement à l’abri de toutes les entreprises des coureurs de fortunes. Enfin, pour mettre le comble à ses attentions et à ses sollicitudes paternelles, son vigilant tuteur, afin de prévenir les accidents et les chances de la vie, autant que pouvait le faire la prudence humaine, lui choisit pour époux, le jour où elle entra dans sa dix-neuvième année, l’homme qu’il regarda, ainsi qu’il y a lieu de le croire, comme celui qui méritait d’être préféré parmi toutes ses connaissances, — et cet homme fut lui-même. Entre des personnes qui se connaissaient depuis si longtemps, il est inutile de faire des stipulations matrimoniales en faveur de la femme ; et, grâce aux dispositions libérales du testament du défunt, grâce à une longue minorité et à l’industrie du ci-devant premier garçon de boutique, dès que la bénédiction nuptiale eut été prononcée, notre famille se trouva en pleine et entière possession de quatre cent mille livres sterling. Un homme moins scrupuleux que mon père du côté de la religion et de la justice aurait pu ne pas juger nécessaire de rendre à l’héritière orpheline un compte de tutelle si satisfaisant.

Je fus le cinquième, des enfants qui furent le fruit de cette union, et le seul qui atteignit la fin de sa première année. Ma pauvre mère ne survécut pas à ma naissance, et je ne puis parler de ses qualités que d’après ce que m’en a appris ce grand agent dans les archives de ma famille, — la tradition. Suivant ce que j’en ai entendu dire, elle doit avoir été une femme douce, tranquille, entièrement occupée de l’intérieur de sa maison, et qui, par suite de son caractère et de l’éducation qu’elle avait reçue, était admirablement faite pour seconder les plans formés pour son bonheur par la prudence de mon père. Si elle avait quelques sujets de plainte, — et il n’y a que trop lieu de croire qu’elle en