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jeter un coup d’œil sur les fondements du Walrus. Toutefois, malgré les belles déclarations de triomphe qu’il nous fit sonner aux oreilles, à nous qui n’étions pas marins, je fus fort disposé à penser que, comme d’autres hommes d’un génie extraordinaire, il s’était mépris sur le grand résultat de ses écrous contre la glace, et que ce résultat n’avait été ni prévu ni calculé. Quoi qu’il en soit toutefois, tous les bras furent bientôt sur le sol de glace, armés de balais, de ratissoires, de marteaux et de clous, et on profita complètement de l’occasion pour tout nettoyer et pour tout réparer.

Pendant trente-quatre heures, le vaisseau demeura dans la même position, droit comme une église, et quelques-uns de nous commencèrent à craindre qu’il ne demeurât éternellement dans ce chantier glacé. L’accident avait eu lieu ; suivant les calculs du capitaine Poke, à la latitude de 78° 13′ 26″, quoique je n’aie jamais su de quelle manière il pouvait résoudre ainsi l’importante question de notre situation positive. Pensant toutefois qu’il serait bon d’acquérir des renseignements plus sûrs relativement à ce point, après une navigation si longue et si délicate, je demandai à Sapajou le quart de cercle, et je le plaçai sur la glace, ou je pris mon point d’observation, voyant que le temps se trouvait heureusement favorable, et que nous nous rapprochions de l’heure convenable pour que notre commandant pût rectifier, au moyen d’une observation solaire, ce que l’instinct lui avait suggéré. Noé protesta qu’un vieux navigateur comme lui, surtout en sa qualité de pêcheur de veaux marins et d’habitant de Stonington, n’avait jamais occasion de faire de pareilles opérations géométriques, comme il les appelait ; qu’il pouvait être bon, nécessaire peut-être, pour ces marins de comptoir, ces capitaines aux gants de soie, qui font la traversée de New-York à Liverpool, de bien nettoyer leurs lunettes, et de bien polir leurs instruments ; car c’était le seul moyen qu’ils eussent au monde de savoir où ils étaient : quant à lui, il n’avait pas besoin, à son âge, de se servir de lunette d’approche ; il commençait, ainsi qu’il me l’avait déjà dit, à avoir la vue basse, et il ne savait s’il pourrait discerner un objet situé, comme le soleil, à plusieurs milliers de millions de milles de la terre. Je réussis toutefois à réfuter ces objections en nettoyant les verres, en préparant un tonneau pour qu’il pût s’y placer à la hauteur convenable au-dessus de l’horizon, et en