Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait été surpassé par celui du vent et de l’orage, retentit de nouveau.

Les deux vieillards sentaient réciproquement leurs forces s’affaiblir. Le seigneur Grimaldi avait jusque-là soutenu généreusement son ami, qui était moins habile nageur, et il continua de l’encourager par un espoir qu’il ne partageait pas, refusant noblement jusqu’au dernier instant de séparer leur fortune.

— Comment te trouves-tu, mon vieux Melchior ? demanda-t-il. Reprends courage, mon ami, je crois que nous allons être secourus.

Une vague arriva jusqu’à la bouche du baron, qui reprenait dans ce moment sa respiration.

— Ces secours viennent tard… que Dieu te récompense, cher Gaëtano !… Que Dieu protégé aussi mon enfant… ma fille, — ma pauvre Adelheid !

Ce fut au son de ce nom chéri, prononce avec tout le désespoir d’un père, que le baron dût la vie. Le bras nerveux de Sigismond, dirigé par ces mots, saisit son habit, et il sentit qu’une nouvelle force s’était interposée entre lui et les profondeurs du lac. Il était temps, car l’eau venait de couvrir la tête défaillante du vieillard, au moment où Sigismond parut à sa voix.

— Confiez-vous à ce chien, Signore, dit Sigismond élevant son visage au-dessus de l’eau pour parler avec plus de facilité ; je me charge de votre ami, et que Dieu nous protège, tout peut encore se réparer.

Le signore Grimaldi conservait assez de présence d’esprit pour suivre cet avis, et était peut-être heureux que son ami eût perdu connaissance, et fut devenu un fardeau plus facile pour Sigismond. Le noble Neptune passa le premier, car le vent apportait jusqu’à eux la voix claire de Maso. Ce son dirigea les efforts de Sigismond, quoique le chien eût suivi tranquillement sa route depuis l’instant où il s’était saisi du seigneur génois, et avec une assurance qui prouvait combien il était sûr de son chemin.

Mais Sigismond avait hasardé due entreprise au-dessus de ses forces : lui qui pouvait nager pendant des heures entières dans des eaux tranquilles, était alors complètement épuisé par les efforts surnaturels qu’il avait faits, l’influence affaiblissante de la tempête et l’immense poids de son fardeau. Il ne voulait pas abandonner le père d’Adelheid, et cependant il sentait avec désespoir qu’il ne pouvait plus lui être d’aucune utilité ; le chien, ayant