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course au hasard, car l’écume qui s’élançait au-dessus du lac rendait la respiration difficile. Comme nous l’avons déjà dit, les vagues étaient comprimées dans leur lit plutôt qu’augmentées par le vent ; mais, s’il en eût été autrement, le simple roulis eût été plutôt un support qu’un obstacle au nageur expérimenté.

Malgré tous ces avantages, la force du sentiment qui le faisait agir, et les nombreuses occasions où il avait affronté les vagues de la Méditerranée, Sigismond, après avoir plongé, s’aperçut du danger de son entreprise ; mais il en courut les risques avec le même sang-froid que le soldat qui s’attend aussi bien à la mort qu’à la victoire au milieu d’une bataille. Il repoussait l’eau de côté, nageait les yeux fermés, et chaque mouvement l’éloignait de la barque, son seul refuge. Il avançait entre deux remparts sombres et liquides ; et, lorsqu’il s’élevait au-dessus des vagues, un brouillard épais le forçait bientôt à retrouver son humide abri. L’écume qui se formait sur la surface du lac ajoutait encore aux difficultés de Sigismond, et telle était la force des vagues, qu’il fut souvent poussé comme un cadavre devant elles. Cependant il nageait hardiment et avec vigueur, la nature lui ayant départi plus d’énergie qu’elle n’en accorde en général aux hommes. Mais, incertain dans sa course, incapable de voir à quelques pieds devant lui, et pressé par le vent, Sigismond Steinbach, bien que doué d’un courage surnaturel, sentit qu’il ne pourrait pas lutter longtemps contre tous ces désavantages. Il s’était déjà retourné, ne sachant trop ce qu’il devait faire ; il cherchait à découvrir la barque dans la direction qu’il venait de quitter, lorsqu’une masse noire vint flotter sous ses yeux, et il sentit bientôt le museau froid du chien, flairant autour de son visage. L’admirable instinct, ou plutôt, nous pourrions le dire, l’excellente éducation de Neptune, lui apprit que ses services étaient inutiles ; et, aboyant avec une joie sauvage, comme s’il eût voulu narguer l’obscurité infernale de la tempête, il se détourna, et nagea de nouveau avec rapidité. Une pensée pénétra comme un éclair dans l’esprit de Sigismond : ses espérances les mieux fondées étaient dans les facultés inexplicables de cet animal. Jetant un bras en avant, il en saisit la queue, et se laissa traîner sans savoir où, bien qu’il secondât les mouvements du chien par ses propres efforts. Un nouvel aboiement proclama que cette expérience avait réussi, et des voix qui se firent entendre annoncèrent la proximité d’êtres humains. La violence de l’ouragan était passée, et le bruit des vagues, qui