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tés, et voulant à tout prix sauver un être aussi cher à Adelheid, ou mourir.

Maso avait surveillé ce moment de crise avec l’œil, les ressources et le calme d’un homme habitué à la mer ; s’appuyant sur un genou au milieu de la bourrasque, courbé sur le gouvernail, il s’attacha cette masse de bois, et attendit le choc avec le calme d’un dieu marin. Il y avait quelque chose de sublime dans l’intelligence, le calcul et l’adresse de cet homme inconnu, pauvre, qui obéissait à l’instinct de sa profession dans ce moment terrible où tous les éléments semblaient se réunir dans une fureur commune. Il jeta son bonnet, avança sur son front ses cheveux épais et mouillés, pour protéger ses yeux comme un voile, et attendit le premier coup de vent avec la prudence et le calme d’un lion qui attend son ennemi. Un sourire triste passa sur son visage, lorsqu’il sentit de nouveau la barque affermie sur sa couche humide, après avoir eu raison de craindre qu’elle ne fût lancée hors de son élément. Alors les préparatifs qui avaient paru si inutiles furent mis en jeu. La barque tourna d’une manière effrayante sur le point sur lequel elle était si longtemps restée stationnaire ; cédant au coup de vent, elle tourna comme une girouette sur son pivot, tandis que l’eau se répandait en écume sur le pont. Mais les câbles ne furent pas plutôt tendus, que les nombreuses ancres résistèrent et amenèrent la barque sous le vent. Maso sentit que la poupe cédait au moment où elle se plongeait rapidement sous l’eau, et il poussa un cri de joie. Le tremblement du bois, le choc de l’eau contre l’éperon, le jet qui en jaillit et se répandit sur l’avant de la barque comme un torrent, étaient autant de preuves évidentes que les câbles étaient bons. S’avançant alors avec autant de dignité qu’en déploie un maître d’armes dans l’exercice de son art, il appela son chien.

— Neptune, Neptune ! Où es-tu, mon brave Neptune ?

Le fidèle animal était près de lui, inaperçu au milieu de cette guerre des éléments, et attendant seulement un encouragement pour agir. Aussitôt qu’il eut entendu la voix de son maître, il aboya d’un air satisfait, huma l’air, et se précipita dans le lac. Lorsque Melchior de Willading et son ami reparurent sur la surface de l’eau, ce fut comme des hommes faisant leur entrée dans un monde abandonné aux caprices infernaux de l’ennemi des ténèbres. Le lecteur se rappellera que leur chute eut lieu à