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injures et des menaces qui les glaçaient d’effroi. Lorsque Maso eut séparé les deux adversaires, il se rendit parmi les travailleurs. Là, il donna ses ordres avec un calme parfait, bien que son œil exercé reconnût que, bien loin d’avoir exagéré le danger, il n’en avait pas reconnu d’abord toute l’étendue. Le roulis excessif ne discontinuait plus, et l’agitation furieuse des ondes qui produit ce bruit familier au marin, annonçait que les vagues avaient acquis une si grande surface, que leur sommet se brisait en envoyant des deux côtés de la barque leur blanche écume. D’autres symptômes prouvaient aussi que la situation de la barque était comprise sur le rivage ; des feux étaient allumés près de Vévey, et il n’était pas difficile de reconnaître, même à une telle distance, la sympathie des habitants de la ville.

— Je ne doute pas que nous n’ayons été aperçus, dit Melchior de Willading, et que nos amis ne cherchent les moyens de nous aider. Roger de Blonay n’est point homme à nous voir périr sans faire aucun effort. Le digne bailli Peter Hofmeister ne verra pas de sang-froid, non plus, qu’un confrère, un ancien camarade de collège, ait besoin de son assistance.

— Personne ne peut venir à nous sans courir les mêmes risques que nous-mêmes, répondit le seigneur génois ; il vaut mieux que nous soyons livrés à nos propres efforts. J’aime le sang-froid de ce marin inconnu, et je mets ma confiance en Dieu !

Un nouveau cri annonça qu’on découvrait le pont dans un autre endroit de la barque. La plus grande partie de la charge avait disparu à jamais, et le mouvement du bâtiment devenait plus vif et plus régulier. Maso appela à lui un ou deux des matelots, et ils déployèrent les voiles suivant la manière latine de gréer ; car une brise chaude, la première qui se fût fait sentir depuis quelques heures, passait au dessus de la barque. Ce devoir fut rempli comme on ferle les voiles dans un moment pressé, mais solidement. Maso se rendit parmi les travailleurs, les encourageant de la voix, et dirigeant leurs efforts par ses conseils.

— Tu n’es pas assez fort pour la tâche que tu as entreprise, dit-il en s’adressant à un individu qui essayait de diriger un ballot un peu en dehors des autres ; il vaut mieux aider tes compagnons que de t’épuiser ici inutilement.

— Je me sens assez de force pour remuer une montagne. Ne travaillons-nous pas pour sauver notre vie ?