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Un cri que jeta Nicklaus Wagner annonça que l’avarice était encore plus forte chez lui que la crainte. Baptiste lui-même, qui avait perdu toute son arrogance et son ton d’autorité, grâce aux dangers qui devenaient manifestes pour tout le monde, se joignit à Nicklaus Wagner pour protester contre la perte de tant de marchandises. Il est rare qu’une proposition semblable à celle de Maso rencontre de l’écho parmi ceux auxquels elle est subitement présentée. Le danger ne parut pas assez imminent pour avoir recours à un expédient aussi désespéré ; et, bien qu’effrayés pour leur sûreté, les gens sans aveu qui encombraient la pile de ballots menacés étaient plutôt dans un état d’inquiétude que dans cet état d’irritation auquel il leur aurait été si facile de se porter, et qui eût été en quelque sorte nécessaire pour les induire, eux si dénués de tout bien, à détruire le bien d’autrui. Le projet calme et réfléchi de Maso eût donc échoué entièrement sans un second éclat de ce bruit aérien et une seconde vague qui souleva la barque et fit craquer les vergues. Les voiles s’agitèrent dans l’obscurité ; semblables à un immense oiseau de proie qui essaie ses ailes avant de prendre son vol.

— Saint et puissant régulateur de la terre et des mers ! s’écria le moine augustin, ressouviens-toi de tes enfants repentants et prends-nous, dans ce moment terrible, sous ta puissante protection !

— Les vents sont déchaînés, et même le lac silencieux nous envoie le signal d’être actifs, s’écria Maso. À l’eau les marchandises, si vous tenez à la vie !

Un bruit sourd au fond des eaux prouva que le marin joignait l’effet aux paroles. Malgré les signes imposants dont ils étaient entourés, chaque individu, parmi la populace qui encombrait le pont, saisit par un mouvement précipité le paquet qui contenait ses effets afin de le mettre en sûreté. Comme chaque homme réussit à ce qu’il désirait, ce mouvement spontané n’interrompit point les projets de Maso ; on crut même, au moment où toute cette multitude se leva en masse, qu’elle était dirigée par la même impulsion que le marin, bien que chacun en particulier sût le contraire pour son propre compte. Bientôt les caisses tombèrent les unes après les autres au fond des eaux ; tout le monde se mit à l’ouvrage, jusqu’au jeune Sigismond, qui finit par suivre l’exemple général. De ces légers incidents dépendent les résul-